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mystérieuse et inavouée dans une affaire déjà assez scabreuse, pour offrir de nouveaux alimens à toutes les suspicions. La situation s’est trouvée rapidement aggravée. Les accusés. de la 10e chambre, à commencer par le général, frappé le premier pour ses tristes complicités, n’ont plus été que des comparses disparaissant dans cette phase nouvelle d’une déplorable aventure. M. Wilson, plus que jamais compromis, appelé aujourd’hui comme témoin, peut-être demain comme prévenu devant la justice, a mis M. le président de la république lui-même dans la position la plus fausse et la plus délicate. Le ministère, pressé par la chambre qui est intervenue encore une fois, ne s’est sauvé peut-être qu’en livrant en partie sa propre dignité, en partie l’indépendance de la magistrature, en suspendant, sous le coup d’une sorte de sommation, le procès déjà engagé, pour ouvrir une nouvelle action judiciaire coïncidant aujourd’hui avec l’enquête parlementaire. En un mot, tout est confondu ; tout s’est aggravé, envenimé en peu de temps, et, ce qui pouvait n’être à l’origine qu’une affaire de police correctionnelle, ou une affaire disciplinaire à l’égard de quelques généraux, est devenu par degrés un immense gâchis moral et politique, peut-être le commencement d’une périlleuse crise de gouvernement et d’institutions. C’est la suite des faits qui se déroulent depuis plus d’un mois et qui viennent se résoudre dans l’anarchie la plus caractérisée.

On en est là aujourd’hui. Assurément toutes ces intrigues dévoilées, toutes ces malheureuses compromissions surprises au hasard d’une instruction décousue, toutes ces agitations intéressées d’un monde équivoque et famélique, tous ces faits brutalement mis à nu, sont une offense pour la moralité publique. Rien n’est plus pénible, plus humiliant que de voir des trafiquantes de bas étage, des agens véreux de toutes les spéculations, usurper une sorte de crédit, et des hommes qui devraient avoir un sentiment plus fier de leur position se laisser entraîner dans des relations suspectes, dans des manèges indignes, — devenir même quelquefois les complices de commerces inavoués. Que la justice se montre inflexible, quand elle peut mettre la main sur ces coupables intrigues, eût-elle à exercer ses sévérités contre des personnages qu’elle ne se serait pas attendue à rencontrer dans de pareilles aventures, rien de mieux, rien même de plus rassurant pour l’opinion. Il ne faudrait pas cependant tout dénaturer, tout exagérer, par une sorte de passion contagieuse de diffamation. A y regarder de près, tous ces faits si violemment commentés et envenimés n’ont réellement pas l’importance qu’on leur donne. Ils sont de l’ordre le plus mesquin, ils restent limités. Puisqu’on parle toujours de décorations, on ne distingue pas le fait précis d’une décoration recherchée et obtenue à prix d’argent. On ne voit pas la preuve saisissable que la corruption et la vénalité aient pénétré dans nos administrations publiques. Par eux-mêmes, ces faits, qui alimentent