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Valori affirme (j’ai peine à le croire) qu’il ne connaissait pas le contenu de la lettre qu’il confiait à son secrétaire ; s’il l’eût connu, il eût éprouvé bien plus de répugnance encore à en, faire la remise lui-même, car c’était la réponse de Louis XV à la demande de secours et de conseils que Frédéric lui avait adressée dans un jour d’extrême péril. Elle s’était fait attendre six semaines, et voici dans quels termes elle était conçue :

« Monsieur mon frère, Votre Majesté me confirme dans sa lettre du 15 novembre ce que je savais déjà de la convention de Hanovre du 26 août. J’ai dû être surpris d’un traité négocié, conclu, signé et ratifié avec un prince mon ennemi, sans m’en avoir donné la moindre connaissance. Je ne suis point étonné que vous ayez refusé de vous prêter à des mesures violentes et à un engagement direct contre moi ; mes ennemis doivent connaître Votre Majesté : c’est une nouvelle injure que d’avoir osé lui faire des propositions indignes d’elle. Je comptais sur votre diversion ; j’en faisais deux puissantes en Flandre et en Italie ; j’ai occupé sur le Rhin la plus grosse armée de la reine de Hongrie. Mes dépenses et mes efforts ont été couronnés du plus heureux succès. Votre Majesté en a fort exposé les suites par le traité qu’elle a conclu à mon insu. Si la reine de Hongrie y avait souscrit, toute son armée de Bohême se serait tournée subitement contre moi. Ce ne sont pas là des moyens de paix… Je n’en ressens pas moins l’horreur des périls que vous courez ; rien n’égale l’impatience que j’ai de vous savoir en sûreté, et votre tranquillité sera la mienne. Votre Majesté est en force ; Elle est la terreur de ses ennemis ; Elle a remporté sur notre ennemi commun des avantages considérables et glorieux ; l’hiver qui suspend les opérations militaires avec cela suffirait pour la défendre. Qui est plus capable que Votre Majesté de se donner des bons conseils à Elle-même ? Elle n’a qu’à suivre son expérience, et par-dessus tout son honneur. Quant aux secours, ils ne peuvent consister qu’en subsides et en diversions. J’ai offert des subsides à Votre Majesté ; j’ai fait toutes les diversions qui m’ont été possibles, et je continuerai par les moyens qui assurant le mieux le succès… J’augmente mes troupes, je ne néglige rien, je presse tout ce qui pourra pousser la campagne prochaine avec la plus grande vigueur. Si Votre Majesté a des vues capables de fortifier mes entreprises, je la prie de me les communiquer ; je ne doute pas des lumières qu’elles en peuvent tirer, et je me concerterai toujours avec grand plaisir avec Elle. — Comme je finissais ma lettre, j’apprends les heureux succès des armes de Votre Majesté et la fuite de ses ennemis devant sa personne ; c’est de tout mon cœur que je lui en fais mes complimens, et je suis, monsieur mon frère, etc.. »