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Faidherbe au Sénégal, une sorte d’école des otages. Grâce à lui, nous dit Sicard, « des accents russes, français, allemands ont, par ces élèves du gymnase d’Odessa, retenti dans les vallées du Caucase pour la première fois. »

Ainsi, des rives du Dniester aux rivages de la Colchide, le nouveau gouverneur était toujours en mouvement, faisant succéder aux plantations, aux constructions, aux règlemens scolaires ou commerciaux, les coups de main contre les barbares, universel en son activité comme l’avaient été les proconsuls de Rome, digne de prendre pour sa devise celle de Bugeaud en Algérie : Ense et aratro.

Son œuvre fut plus d’une fois traversée, ou par la guerre de Turquie, ou par les guerres contre Napoléon, ou par l’apparition de la peste.

Les hostilités contre la Turquie avaient commencé en 1806, pendant que la Russie avait encore à soutenir la première lutte contre Napoléon, celle qui se termina par la paix de Tilsit. Dès 1806, Michelson avait envahi la Moldavie ; en 1810, les Turcs furent battus à Batynia, en 1811 à Sloborizéi. Cette guerre, en se prolongeant portait un coup à la prospérité naissante d’Odessa, car c’était surtout dans l’empire turc et à Constantinople que s’exportaient alors les blés de la Nouvelle-Russie. Du moins, Richelieu obtint de son gouvernement que le négoce ne fût pas interrompu ; il démontra que les grains que n’exporterait plus Odessa seraient amenés à Constantinople par les navires des autres nations ; que parmi les sujets turcs, ce seraient surtout les chrétiens qui souffriraient de cette mesure ; qu’il n’y aurait qu’une perte sèche pour le trafic russe, sans aucune compensation politique. Pendant presque toute la durée de la guerre, tandis qu’on se battait sur le Danube, les négocians des deux empires trafiquaient paisiblement dans le port d’Odessa. A un seul moment, en 1810, Richelieu se relâcha de ses principes de libre échange. Apprenant que Constantinople était faiblement approvisionné et que le pain y était cher et mauvais, espérant que la famine contraindrait le sultan à la paix, il céda à l’insistance des ministres russes et prohiba l’exportation des blés. Mais l’événement apporta la justification des doctrines qu’il avait jusqu’alors professées : Constantinople fut ravitaillé par des navires venus de Grèce et d’Egypte. Alors, il se rendit en personne à Pétersbourg et, à force d’instances, obtint que l’empereur revint sur une mesure dont le commerce russe était seul à souffrir.

En sa qualité de gouverneur militaire, il avait dû se préoccuper d’envoyer des renforts à l’armée russe et d’assurer son approvisionnement. Au début de la guerre, il s’était même mis à la tête des troupes de ses gouvernemens ; il avait contribué à la prise d’Akkermann, à celle de Kilia, et se disposait à s’emparer de cette