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espoir en Dieu et en son prophète. Notre seigneur et notre iman El-hadj-Abd-el-Kader est au milieu de nous.

« Si, comme vous nous le dites, vous aviez de la puissance et de l’influence, vous n’auriez pas causé la ruine de Méhémet-AIi. Vous lui aviez promis de l’aider contre ses ennemis, et pourtant les Anglais sont venus l’attaquer ; ils se sont emparés de ses villes à force ouverte, ils lui ont fait courber la tête sous leurs drapeaux, et vous l’avez abandonné ! Aussi votre nom est-il méprisé par tous les peuples de votre religion, et vous êtes restés, vous et votre allié, exposés aux insultes de l’Anglais.

« Ce continent est le pays des Arabes, vous n’y êtes que des hôtes passagers ; y resteriez-vous trois cents ans, comme les Turcs, il faudra que vous en sortiez. Ignores-tu que notre pays s’étend depuis Oudjda (Maroc) jusqu’à Frickia (Tunis), Djerid, Tell et Sahara, et qu’une femme peut parcourir seule cette vaste étendue, sans craindre d’être inquiétée par qui que ce soit, tandis que votre influence ne s’étend que sur le terrain que couvrent les pieds de vos soldats. Quelle haute sagesse ! quelle raison est ta tienne ! Tu vas te promener jusqu’au désert, et les habitans d’Alger, d’Oran et de Mostaganem sont dépouillés et tués aux portes de ces villes ! »

À ce dernier trait, il n’y avait rien à répliquer ; c’était une vérité malheureusement trop justifiée par les faits ; quant à la situation de Méhémet-AIi en Égypte, le reproche était plus sanglant encore.


V

En dépit de sa déconvenue à Souk-el-Mitou, le colonel Tempoure se complaisait dans l’idée de soustraire à l’autorité d’Abd-el-Kader les tribus voisines de Mostaganem, et de lui opposer, comme au temps du maréchal Clauzel, un rival musulman. Il avait un candidat sous la main : c’était le fils d’un ancien bey d’Oran, qui se nommait Hadj-Moustafa. Abd-el-Kader s’étant éloigné après ses exécutions sanglantes, les grands des Medjeher s’étaient de nouveau mis en relations avec le colonel et lui avaient promis de reconnaître son client pour chef. Sur ces nouvelles attrayantes, le général Bugeaud n’avait pas hésité à se rendre d’Alger à Mostaganem. Par un arrêté du 9 août, il nomma bey de Mascara et de Mostaganem Hadj-Moustafa ; il lui donna pour khalifa son frère Ibrahim, et pour agha un serviteur éprouvé de la France, El-Mzari. Il décida en outre que le bey aurait un bataillon et un escadron turcs, dont l’organisation et le commandement furent confiés, sur la proposition de La Moricière, à deux officiers d’artillerie qui savaient l’arabe ; le capitaine