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de chasseurs, quatre de spahis, deux sections de montagne, le bataillon turc et les mekhalias du bey formèrent la colonne politique dont le général Bugeaud s’était réservé le commandement.

Le 21 septembre, la colonne politique se mit en mouvement la première ; elle employa deux jours à traverser le territoire des Medjeher, qui n’avait que 7 ou 8 lieues de largeur ; c’était pour donner aux cavaliers de la tribu le temps de rejoindre. A la fin de la seconde journée, il n’en était venu que 300 ; dès lors, le gouverneur augura mal des soumissions promises. Du 24 au 28, il attendit au bivouac de Sidi-bel-Hacel sur la Mina ; rien ne vint. Le 28, à onze heures du soir, il passa la rivière, fit 7 lieues pendant la nuit et pénétra, au point du jour, dans les montagnes où s’étaient retirés les Ouled-Sidi-Yaya des Flitta. Il leur tua quelques hommes, fit plus de 300 prisonniers, ramena 2,000 têtes de bétail, et revint avec ses prises à Mostaganem, où venait de rentrer la colonne de ravitaillement.

Après avoir versé 450,000 rations dans Mascara, cette colonne avait été légèrement harcelée au retour. Un nouveau convoi était préparé ; il comprenait 260,000 rations, un matériel d’hôpital, des outils, du fer, des instrumens aratoires, des graines pour semence, etc. Cet énorme chargement s’ébranla le A octobre ; le lendemain, ce fut le tour de la colonne, qui n’avait plus raison ni droit de s’appeler politique ; le projet du gouverneur était de retourner chez les Flitta, auxquels il venait de donner une première atteinte.

En approchant d’El-Bordj, La Moricière apprit qu’Abd-el-Kader l’attendait à ce défilé avec des forces qu’on évaluait à 9,000 hommes, dont 1,200 ou 1,300 réguliers. Embarrassé de son énorme convoi, et cependant pressé par le lieutenant-colonel Pélissier, son chef d’état-major, et par d’autres officiers aventureux, de pousser en avant, quoi qu’il en dût coûter, La Moricière refusa sagement de suivre un avis que désapprouvait le vaillant chef des Douair, Moustafa-ben-Ismaïl. Après avoir fait avertir le général Bugeaud, qu’il savait être à peu de distance sur l’Oued-Hillil, affluent de la Mina, il manœuvra de manière à se rapprocher de lui. La prudence et la crainte de la responsabilité ne sont pas une seule et même chose ; l’état-major du gouverneur, et, dit-on, le gouverneur lui-même, eurent le tort de les confondre, et, tout en louant la judicieuse conduite de La Moricière, d’ajouter à leurs éloges quelques réflexions injustes et malséantes.

Quoi qu’il en soit, les deux colonnes se rejoignirent dans la nuit du 6 au 7 octobre. Aussitôt le gouverneur en modifia la composition ; il confia au général Levasseur le convoi, les bagages et la moitié de l’infanterie ; l’autre moitié, avec toute la cavalerie, fut donnée à La Moricière, sous la direction immédiate du général en