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jetées sur la terre nue, tandis qu’un trou creusé dans un coin était destiné à recueillir les immondices. Un maître d’équipage soigneux eût certainement hésité avant de faire passer la nuit à ses chiens dans un lieu aussi malpropre et aussi humide. J’ignore comment sont organisés les lieux de détention provisoire des autres grandes villes de France, Lyon, Marseille, Bordeaux ; mais on ne saurait guère espérer que les municipalités de ces villes en prennent grand souci lorsque la capitale elle-même leur a donné pendant longtemps et leur donne encore un déplorable exemple d’incurie. Le plus souvent, dans les pages que l’on va lire, c’est Paris qui nous servira de champ d’études, et l’on verra combien il s’en faut que la ville-lumière soit aussi la ville-modèle.

Il existe à Paris quatre-vingts postes de police, à chacun desquels sont annexés deux violons, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Assez rarement, les postes de police sont installés dans un immeuble appartenant à la ville. Le plus souvent, ils sont établis tellement quellement, dans une boutique louée à cet effet, à laquelle on a fait subir les transformations indispensables. Quant à l’aménagement intérieur de ces postes, je crois bien qu’à la préfecture de police on ne s’en était guère inquiété jusqu’au jour où il se trouva un explorateur courageux pour les visiter. Ce fut un membre de la grande commission d’enquête instituée par l’assemblée nationale, M. Bournat, qui, dans un rapport rendu public, signala le premier l’installation déplorable tant de ces postes eux-mêmes que des violons qui y sont annexés. En lisant le rapport de M. Bournat, on ne sait lesquels sont le plus à plaindre, des coquins qu’on y enferme ou des braves gens qui ont charge de les garder : insuffisance et infection de l’air respirable, chaleur excessive en été, froid glacial en hiver, tels sont les principaux inconvéniens que M. Bournat a relevés dans ces postes. Mais le pire de tous est leur exiguïté. J’emprunte à son rapport la description suivante :

« Dans ce poste, il y a trois violons. Le premier est d’une superficie d’environ à mètres. Il est complètement obscur. Il est impossible, par le guichet, d’y rien apercevoir, et cependant il contient cinq détenus. L’odeur qu’on y respire est infecte. Un second violon, réservé aux femmes, n’est pas plus grand, et cependant on y enferme quelquefois jusqu’à dix ou douze femmes. C’est encore un des postes qui reçoivent quelques-unes des razzias pratiquées par la police sur les filles en contravention. On en a vu dans ce poste jusqu’à vingt-sept à la fois. Celles qui ne peuvent entrer dans le violon séjournent dans la salle des gardiens. Quant au local destiné au troisième violon, on en a fait un dépôt à charbon. On ne pouvait guère lui donner une autre destination ; un détenu n’y pourrait respirer. Il n’y a pas la plus petite ouverture par où