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passent à Paris, nous verrons combien l’assistance hospitalière ou charitable reste au-dessous des prévisions de la loi.

Le nombre des arrestations pour mendicité, opérées à Paris en 1886, s’est élevé à 5,955, dont 4,660 hommes et 1,295 femmes. Les arrestations pour vagabondage se sont élevées à 14,685, dont 13,579 hommes et 1,106 femmes, ce qui donne un total de 20,640. Le nombre des entrées au dépôt ayant été, durant cette année 1886, de 42,167, on voit que près de la moitié des arrestations qui s’opèrent à Paris dans une seule année est imputable à la misère ou à la paresse. (On pourrait aussi imputer à la misère un certain nombre d’arrestations pour vol). Mais ce chiffre de 20,640 arrestations ne représente pas autant d’individus distincts, et comprend un certain nombre de doubles emplois. En effet, la jurisprudence du parquet de la Seine, tempérant,.. ainsi que je l’indiquais tout à l’heure, la dureté de la loi, ne traduit en police correctionnelle pour vagabondage que les individus arrêtés trois fois en quinze jours. Ainsi s’explique l’écart considérable entre le chiffre des individus arrêtés, 14,685, et celui des individus livrés par le parquet à la police correctionnelle, 2,838. Un écart moins sensible, mais encore considérable, s’observe, et pour la même raison, entre les individus : arrêtés pour mendicité, 5,955, et ceux traduits par le parquet devant le tribunal correctionnel, 3,056. Enfin il faut tenir compte que sur ces 5,894 vagabonds et mendians traduits devant le tribunal, 240 ont été acquittés, mais ont pu très bien avoir été arrêtés une seconde fois dons l’année, et qu’il en est de même des 5,554 mendians et vagabonds condamnés, les peines prononcées contre eux étant généralement de très courte durée et ne dépassant jamais trois mois de prison au maximum. C’est précisément le grand nombre des individus comparaissant à plusieurs reprises devant la justice qui constitue la difficulté de la répression. Ce perpétuel circuit de la rue au dépôt, du dépôt au parquet, du parquet à la rue, à peine interrompu pour quelques-uns par un court séjour en prison, décourage les agens chargés de la répression sur la voie publique, et ce découragement explique la tolérance qui, depuis quelques années, laisse nos rues s’encombrer de mendians. Mais, d’un autre côté, cette indulgence, à quelques yeux excessive, de la magistrature, s’explique également lorsqu’on sait combien illusoire et parfois combien cruelle est la répression. La meilleure manière de se rendre compte de ces difficultés est d’assister à l’interrogatoire des mendians et des vagabonds, soit au petit parquet, soit plutôt au deuxième bureau de la préfecture de police, chargé, comme je l’ai dit, du service des arrestations.

Les opérations du deuxième bureau sont multiples. Non-seulement il doit statuer sur la suite à donner aux