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l’ouvrage, car ce n’est pas Nanterre qui leur en offrira, il y aurait humanité à les ramener, à ne pas les mettre dans l’alternative de dépenser, pour prendre une place de chemin de fer, quelques sous de leur pauvre pécule, ou de se traîner péniblement, de Nanterre à Paris, non sans faire peut-être plus d’une halte dans les nombreux cabarets qui bordent la route. Comme les mendians à destination de la maison de répression arrivent de Paris en voiture, rien ne serait plus facile que d’utiliser pour les libérés le retour de ces mêmes voitures. Je signale cette petite amélioration à l’administration de la préfecture de police, toujours soucieuse de bien faire quand on la laisse à elle-même.

En somme, l’ouverture de cette maison nouvelle de Nanterre, remplaçant la hideuse maison de Saint-Denis, constitue sur l’état de choses antérieur un progrès signalé. Le grand nombre de places dont la préfecture de police va pouvoir disposer, jusqu’à ce que la maison soit pleine, apportera peut-être même un soulagement momentané à cette plaie de la mendicité parisienne, qui a pris, depuis quelques années, une si grande extension, un peu parce que la misère s’est accrue, un peu parce que la répression s’est affaiblie. Mais ce soulagement ne peut être que momentané, car la préfecture de police ne peut pas indéfiniment se substituer à l’assistance publique, héberger les vieillards qu’elle devrait faire entrer à Bicêtre, soigner les infirmes qu’elle devrait admettre aux Incurables. Pour le vagabondage, en tout cas, le problème reste entier, puisque, sur le vagabond libéré, l’administration n’a aucun droit. Pour les mendians et les vagabonds, le problème ne sera résolu, dans la mesure où il peut l’être, au sein d’une société où les rangs des malheureux sont aussi pressés, qu’aux deux conditions suivantes : assurer rapidement à tous ceux qui sont victimes d’une infortune imméritée les secours de la charité publique ou privée ; atteindre par un châtiment énergique ceux qui au travail préfèrent la paresse ou l’aumône. Or, à Paris et dans les grandes villes, l’organisation de l’assistance publique est déplorablement insuffisante ; elle n’existe qu’à l’état rudimentaire dans les campagnes. Quant à la charité privée, sans méconnaître les immenses services qu’elle sait rendre, on est obligé cependant d’avouer qu’elle a ce double défaut d’être inégale et intermittente. Il ne faut donc pas compter, dans l’état actuel des choses, sur ces moyens préventifs pour combattre la mendicité et le vagabondage. La suite de notre enquête montrera si du moins la répression en est assurée d’une façon efficace.


HAUSSONVILLE.