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démordait pas. Il réclamait aussi des garanties contre un soulèvement en Pologne. La demande était blessante, M. de Manteuffel le reconnaissait. « Ce n’est pas contre vous, disait-il, que Sa Majesté tient à se prémunir, mais contre lord Palmerston, qui est sa bête noire. » Ne rien faire de sérieux, ne courir aucun risque, telle était la politique royale[1].

La mort subite de l’empereur Nicolas, au mois de mars 1855, devait fournir de nouveaux prétextes au cabinet de Berlin pour ajourner la conclusion du traité, a Le roi est plongé, disait-on, dans un deuil profond ; il a besoin de se remettre du coup imprévu qui le frappe pour reprendre les pourparlers. »

La cour de Prusse était en effet bouleversée, en proie aux plus vives émotions. Le 1er mars, elle apprenait soudainement que l’empereur, atteint d’une fluxion de poitrine, était en danger, et, quelques heures après, une dépêche lui annonçait sa mort. Devant cette fin si brusque, toutes les conjectures étaient autorisées[2].

  1. Projet de traité entre la Prusse et la France, janvier 1855. — Dans le préambule du projet de convention, il est dit que les hautes parties contractantes, pour mettre un terme aussi prochain que possible à la guerre actuelle et garantir à l’Europe un moyen de rétablir la paix sur des bases solides et durables, ont résolu de signer le présent traité. (Il n’y a pas d’alliance offensive et défensive.) — I. Les hautes parties contractantes se réfèrent aux déclarations consignées dans les protocoles du 9 avril et du 23 mai, dont les principes serviront de base aux futures négociations de paix. Elles s’engagent à n’entrer dans aucun arrangement avec la Russie sans avoir délibéré en commun. — II. Si la Russie n’accepte pas les conditions réglées par un complet accord des quatre puissances sur les bases mentionnées dans l’article 1er du présent traité, et si les négociations sont rompues, la Prusse promet la coopération active pour les faire accepter par la Russie. Des délibérations auront lieu entre la Prusse et la France pour s’entendre sur les moyens les plus efficaces de réaliser l’objet de leur alliance. — III. Pour le cas où les hostilités viendraient à éclater entre la Prusse et la Russie, les hautes parties contractantes se promettent réciproquement leur alliance défensive et offensive. Elles se soutiendront réciproquement par leurs forces de terre et de mer, qui seront déterminées, s’il y a lieu, par des arrangemens subséquens. Il est entendu que, conformément aux lois fondamentales de la Confédération germanique, les troupes françaises ne toucheront pas le territoire fédéral. — IV. Dans le cas prévu par l’article précédent, il est entendu que les hautes parties contractantes ne recevront aucune ouverture ni aucune proposition tendant à la cessation des hostilités sans s’être entendues entre elles. — V. Cet article a trait aux arrangemens militaires auxquels on procédera d’un commun accord. — VI. Le présent traité sera porté par les hautes parties contractantes aux puissances représentées à la conférence de Vienne. — VII. Si la Prusse ne prend pas une part active aux mesures dirigées contre la Russie, elle se réserve de s’arranger avec l’Autriche pour la défendre contre les attaques de la Russie sur son territoire limitrophe de la Pologne. — VIII. Tout acte révolutionnaire dans la Pologne russe étant contraire aux intérêts limitrophes de la Prusse sera énergiquement réprimé.
  2. Lord Malmesbury raconte que Napoléon III passa la dépêche qui lui annonçait la mort de l’empereur Nicolas au docteur Conneau en lui demandant : « Connaissez-vous cette maladie ? »