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sans leur attirer, je pense, aucun nouvel admirateur. Il y aurait donc de la cruauté à insister davantage. Mais enfin, si les livres d’étrennes, selon l’antique usage, qui avait bien sa raison d’être, et sans prêcher la vertu ni le renoncement, devraient pouvoir être lus ou feuilletés indifféremment par tout le monde, on eût sans doute mieux fait d’attendre un autre temps et une autre occasion pour publier cette nouvelle édition de Madame de Pompadour. Souhaitons seulement que l’an prochain M. de Goncourt ne nous offre pas une Madame du Barry ! Car alors, il n’y aurait plus de raison, en 1889 de ne pas nous donner la Fille Élisa, avec gravures hors texte, d’après les gravures du temps. Quant à Madame Chrysanthème, nous apprécions, nous estimons, nous aimons trop le talent de M. Pierre Loti, non moins rare et non moins singulier dans ce « roman japonais » que dans le Roman d’un spahi, ou dans le Mariage de Loti, pour ne pas lui dire qu’il s’est aussi, lui, en le publiant dans le temps des étrennes, certainement trompé de date. Et, pourquoi ne le répéterions-nous pas ? puisque nous l’avons déjà dit ici même, il se trompe encore, après Mon frère Yves et Pêcheurs d’Islande, il se trompe d’en revenir au récit de ses amours exotiques. Après Aziyadé, Rarahu ; après Rarahu, Fatougaye ; après Fatougaye, Mme Chrysanthème, c’est vraiment beaucoup de Japonaises, de négresses, de Taïtiennes et de Turques ; c’est aussi beaucoup de confidences ; et dont l’intérêt, trop personnel, n’ajoute rien à celui de ces descriptions qui ont fait de Loti le Bernardin de Saint-Pierre de cette fin de siècle. J’aurais bien encore quelque chose à dire du volume de Gyp, les Chasseurs[1], illustré des spirituels et amusans dessins de Crafty. Beaucoup plus libre, et, pour ce seul motif, bien moins heureux que l’illustration, le texte n’en est point à l’usage des pensionnats de jeunes filles, ni même peut-être de jeunes gens. Mais puisqu’il ne s’agit guère en tout cela que d’une question d’opportunité, passons nous-même, et venons-en bien vite aux livres où nous ne trouverons qu’à louer.

Ce sera sans doute être bien indulgent au nouveau volume de M. Octave Uzanne : le Miroir du monde[2] ; et, de fait, en toute autre occasion, nous nous égaierions volontiers de ce style prétentieux et précieux dont M. Octave Uzanne, pour parler comme l’un de ses auteurs favoris, excelle à « empaqueter sa pensée. » Car, écoutez-le lui-même : sous ce titre énigmatique, M. Ozanne s’est donc proposé de « parfaire une œuvre de polylogie légère, scintillante comme les zigzags du paradoxe, ou inattendue comme les foucades d’un esprit

  1. Les Chasseurs, par Gyp, dessins de Crafty, 1 vol. in-8o. Calmann Lévy.
  2. Le Miroir du monde, avec 160 illustrations en couleurs de M. Paul Avril, 1 vol. in-4o. Quantin.