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est à tout prendre assez semblable à celle des condamnés, avec quelques différences dans le régime des condamnés qu’il faut indiquer.

Les condamnés sont soumis au port du costume pénal. La nourriture qui leur est allouée est strictement suffisante pour l’entretien de leurs forces. Ils ne peuvent l’améliorer qu’en opérant certains prélèvemens sur la somme laissée à leur disposition sur le produit de leur travail sous le nom de pécule disponible, et en achetant des alimens à la cantine. Leurs relations avec le dehors, par correspondance ou par visite, sont soumises à une surveillance qui n’excède pas les exigences nécessaires. Enfin ils sont astreints au travail. Il n’y a rien à dire contre ces prescriptions, et le régime intérieur des prisons départementales, tel qu’il a été établi par le règlement général de 1841, modifié en 1884 sur quelques points de détail, tient un juste milieu entre les sévérités nécessaires de la répression et les exigences de l’humanité. La partie administrative est sans reproches, et ce n’est point aux hommes qu’on peut s’en prendre d’un état de choses qui n’en est pas moins déplorable. Quel est donc le vice capital de nos prisons départementales ? C’est, il ne faut jamais se lasser de le redire, la promiscuité. Dans quelques petites prisons elle est absolue. Tout comme le quartier des prévenus, le quartier des condamnés n’est qu’une seule et unique chambre qui sert à la fois d’atelier, de dortoir et de réfectoire. Tous les condamnés, à quelque catégorie qu’ils appartiennent, y sont enfermés pêle-mêle. S’il se trouve parmi eux quelque enfant, garçon ou fille, le gardien-chef lui donne parfois asile dans son appartement, mesure de prudence excellente en elle-même, qui n’en est pas moins formellement contraire aux règlemens. Dans certaines prisons, plus considérables, on met en pratique ce qu’on appelle le système de la séparation par quartier. On distingue tant bien que mal entre les détenus d’après leur perversité présumée, et lorsque la prison comprend plusieurs ateliers et plusieurs dortoirs, on fait travailler et coucher ensemble ceux qu’on a classés dans la même catégorie. Cette classification peut avoir plusieurs bases : les antécédens, l’âge, la nature de la condamnation. C’est tantôt l’une, tantôt l’autre, qui est appliquée suivant la nature des locaux dont le directeur de la prison dispose, et suivant que l’une ou l’autre lui semble préférable. Dans certaines prisons, cependant très importantes, il n’y a pas de classification du tout ; c’est ainsi que je me souviens d’avoir vu à Lille (il est vrai que c’était il y a quelques années) une jeune fille de seize ans, condamnée pour contravention douanière, détenue dans la même salle qu’une femme condamnée pour proxénétisme. Une surveillance efficace vient-elle au moins tempérer les