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les faire entendre, je tirerai d’abord comparaison de ce qui se passe dans un pays voisin.

Le hasard m’a fourni tout récemment l’occasion de visiter à nouveau la principale prison cellulaire de la Hollande, celle d’Amsterdam, et de causer longuement avec le président de la commission qui l’administre; car, en Hollande, il en est des prisons comme de tous les autres établissemens publics ou privés. Ce sont des commissaires, — des régents, suivant la vieille expression, — qui les dirigent, et la Hollande est demeurée en cela fidèle aux traditions d’indépendance administrative qui ont fait autrefois sa force et son honneur. Le directeur de la prison n’est que l’agent de la commission, et le président demeure le personnage principal. Je n’avais pas besoin, au reste, de cette seconde visite et des renseignemens que le président de la commission a bien voulu me donner pour savoir qu’en Hollande l’emprisonnement cellulaire est un système, et que ceux-là qui sont chargés de le mettre en pratique ont une confiance profonde dans son efficacité[1]. Mais pour eux la cellule n’est qu’un moyen et la solitude imposée au détenu n’a qu’un but : c’est de le soustraire à des contacts pernicieux, et de le mieux préparer à subir une influence moralisante. Le détenu n’est pas laissé à lui-même dans sa cellule, à son abattement, à ses remords, ou, au contraire, à son insouciance et à sa perversité. Le directeur et les membres de la commission de surveillance administrative sont en relations personnelles avec lui ; ils le connaissent, ils savent à quelle catégorie morale ou sociale il appartient et dans quelles dispositions il subit sa peine. Le temps passé dans la cellule doit lui être profitable, et rien n’est négligé pour atteindre à ce résultat. Le détenu ne doit pas rester oisif un seul jour. On s’ingénie à lui trouver des occupations qui puissent lui convenir, et on y parvient dans une ville qui n’offre cependant pas pour le travail d’aussi grandes ressources que Paris. Son instruction, ce qui est fréquemment le cas, laisse-t-elle à désirer? Tous les jours, un instituteur vient s’asseoir auprès de lui dans sa cellule et lui donner sa leçon. Des livres choisis avec soin sont mis à sa disposition et fréquemment renouvelés. Mais si l’instruction a sa place, la religion a aussi la sienne, et c’est même le principal moyen d’action. Une bible et un livre de cantiques si le détenu est protestant, un livre de messe; s’il est catholique, font partie, en quelque sorte, du mobilier de la cellule, tout comme le lit et la table. Le pasteur et l’aumônier ont librement accès dans la prison et sont en relations

  1. Le nouveau code pénal de Hollande vient de porter de deux à cinq ans la durée de la peine qui peut être subie en cellule.