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la colonne n’y trouva plus que dix-sept barils de poudre, quelques armes et des grains ; mais le général apprit qu’à peu de distance, dans d’autres gorges, se trouvaient cachés des douars appartenant à l’aristocratie des Hachem, quelques-uns mêmes à la famille de l’émir et à celle de Ben-Tami.

Le 7, au point du jour, la surprise fut complète. Parmi les nombreux prisonniers ramenés à Mascara se trouvait le chef des Sidi-Kada-ben-Moktar, fraction importante des Hachem-Cheraga; pour obtenir sa délivrance, les marabouts ses amis vinrent solliciter l’aman, c’est-à-dire demander grâce ; mais La Moricière ne voulait prêter l’oreille à leurs sollicitations que s’ils se portaient garans pour la tribu tout entière. Déjà les pourparlers commençaient quand survint une lettre d’Abd-el-Kader qui les arrêta court : « Le sultan, y était-il dit, a donné pleins pouvoirs à Sidi-Mbarek pour négocier de la paix avec les chrétiens; il accepte les propositions qu’on lui a soumises. Le traité se conclut à Alger avec un envoyé du roi des Français ; des lettres de Sidi-Mbarek confirment ces assertions. Quelques efforts encore et la cause des musulmans sera gagnée. Malheur à celui qui aura montré de la faiblesse au jour de l’épreuve! Le jour du châtiment n’est pas loin. » Telle est la politique de l’émir : retenir, par la menace d’un arrangement avec les Français, les tribus hésitantes, de même que sa tactique est de ne jamais engager à fond contre nos troupes ses forces régulières, qu’il ménage et réserve pour affermir sa domination sur les indigènes.

La Moricière venait de recevoir un convoi de Mostaganem avec un renfort de cavalerie : 100 chevaux du 2e chasseurs d’Afrique et 400 du maghzen d’Oran. Il savait par ses espions que Ben-Tami s’était retiré au sud-ouest, dans la vallée de l’Oued-Hounet. Le 27 février, il atteint son campement et le met en déroute, après avoir tué ou pris une soixantaine de cavaliers rouges. Rentré à Mascara le 8 mars, il en repart le 10, appelle à lui le général d’Arbouville avec la colonne de Mostaganem, et donne la chasse aux Hachem-Cheraga, qui cherchent asile dans la vallée de la Mina, les uns chez les Sdama, les autres chez les Flitta. A Fortassa, les deux généraux se rencontrent et se concertent; pendant que d’Arbouville agira contre les Flitta, ce seront les Sdama qui recevront la visite de La Moricière.

Il la commence par les Bou-Ziri, qui subissent un véritable désastre. Enveloppés, le 25 février, par trois colonnes, 59 douars, contenant une population de 6,000 âmes, sont surpris au point du jour; il y a 12,000 têtes de bétail, des prisonniers sans nombre, un butin immense. Tout à coup, vers midi, le ciel s’assombrit, un brouillard