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qui met directement en communication Blida et Médéa : le Ténia de Mouzaïa ne fut plus désormais qu’un chemin de pèlerinage pour les dévots de la gloire militaire et des héroïques souvenirs.

L’effet de l’expédition du Chélif et des soumissions autour de la Métidja s’était rapidement propagé jusque dans le Titteri. Avant la fin de juin, les Ouzra, les Righa, les Aouara, les Hacem-ben-Ali avaient fuit acte d’obéissance entre les mains du colonel Comman, à Médéa; quelques jours après, au bivouac de Berouaghia, quatorze autres tribus étaient venues lui faire hommage.

Afin de donner plus d’éclat à ces soumissions et de les assurer davantage, le colonel demanda au gouverneur de vouloir bien donner lui-même les burnous d’investiture aux chefs désignés pour administrer les territoires soumis. Ils partirent donc pour Alger, où ils furent accueillis avec un certain apparat. A peine y étaient-ils réunis qu’arrivait inopinément du sud une nouvelle bien faite pour achever de leur imposer le respect de la suprématie française.

Le 17 juin, le général Changarnier s’était remis en campagne avec une petite colonne composée de six bataillons, de 400 chasseurs d’Afrique et d’une section d’obusiers de montagne. Son projet avait été d’abord de se porter contre les Beni-Menacer, qui venaient d’infliger au chef de bataillon Bisson, commandant de Miliana, un grave échec en lui tuant 42 hommes dont 5 officiers; mais, averti que le gouverneur voulait envoyer de ce côté-là le général de Bar, Changarnier avait fait tête de colonne au sud.

Pendant une halte sur le Bouroumi, un chef important des Djendel, Bagdadi-ben-Chérifa, était venu en hâte lui offrir, au nom de l’agha Si-Bou-Alam, son frère, la soumission des tribus du haut Chélif, à la condition qu’il marchât sans retard à leur aide, car le khalifa Ben-AlIal-ben-Sidi-Mbarek approchait avec la menace de ses réguliers pour entraîner au sud-ouest, vers le plateau du Sersou, la population tout entière. Il n’y avait pas un moment à perdre. Deux jours après, la colonne arrivait chez les Djendel, au moment où les coureurs de Ben-Allal étaient en vue. Un étonnement presque hostile se lisait d’abord sur le visage de ces Arabes, peu accoutumés jusqu’alors à regarder les roumi comme des protecteurs ; cependant, Bou-Alam et Bagdadi allaient de groupe en groupe prêchant la confiance, et quand les chasseurs d’Afrique passèrent au galop pour se porter au-devant de l’ennemi, les femmes les accompagnèrent de leurs you you. comme elles avaient l’habitude de le faire pour encourager leurs guerriers. Il n’y eut pas à combattre ce jour-là; les coureurs de l’ennemi avaient disparu.

Pendant dix jours, Changarnier remonta la vallée de l’Oued-Deurdeur, jusqu’â Taza et Teniet-el-Had, recevant des soumissions, détruisant dans les montagnes de Matmata les magasins militaires de