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position de Zouilane, où cet événement s’était passé. Peu s’en était fallu que les divisions de Mascara et d’Alger se donnassent la main à l’improviste, à 80 lieues d’Oran et 60 lieues d’Alger. »

La colonne, au retour, traversa les tribus respectueusement accourues sur son passage. Elle n’avait pris que pour dix jours de vivres au départ; en rentrant à Mascara le 25 juillet, elle comptait son trente-sixième jour de campagne ; mais les petits moulins arabes avaient tous les soirs moulu le blé au bivouac et on avait vécu. L’ambulance ne ramenait que treize malades. Ce qui avait souffert davantage, c’était la chaussure; les trois quarts des hommes s’étaient garnis les pieds avec des peaux de bœuf. « Il était à craindre, disait plaisamment le commandant de Montagnac, qu’ils n’allassent tailler nos bestiaux vivans pour se confectionner une paire de chaussures à leur guise. »

Ces braves gens sont infatigables, mais aussi La Moricière est un entraîneur sans pareil. Voici que, dès le 15 août, il se remet en campagne. Les tribus qui viennent de marcher avec lui crient à l’aide : Abd-el-Kader en a déjà foulé quelques-unes, il a saccagé Frenda ; tout fuit devant sa menace. Renforcée de détachemens appelés de Mostaganem, la colonne de Mascara compte 2,800 baïonnettes, 250 chevaux des chasseurs d’Afrique, 250 des goums, 4 obusiers de montagne. Sa marche en avant rend confiance aux auxiliaires : à Medroussa, 500 chevaux des Sdama, de la Yakoubia, des Harar la rejoignent. Le 27 août, la colonne bivouaque à Tiaret.

Dans le sud-est, sur les collines qui bordent le Nahr-Ouassel, on aperçoit un groupe de cavaliers en observation ; ce sont les éclaireurs de l’émir. Il a, sur le Sersou, 10 compagnies du bataillon de Sidi-Mbarek, 320 cavaliers rouges, 700 chevaux des goums. Pour l’attirer au combat, La Moricière se met en retraite vers le Tell par le col de Torrich. Le 1er septembre, les deux cavaleries se rencontrent! sur la Mina ; si les auxiliaires avaient donné aussi franchement que les spahis et les chasseurs d’Afrique, la défaite de l’émir eût été complète; quoi qu’il en soit, il fut assez battu pour être obligé de disparaître. Le 5 septembre, la colonne rentra dans Mascara.

Pendant qu’elle opérait dans le sud, le général d’Arbouville avait manœuvré dans le pays des Flitta, livrant de petits combats dont les derniers ne furent pas les plus heureux. Le 4 et le 5 septembre notamment, il fut attaqué avec une extrême violence.

Le général Bugeaud venait justement d’arriver pour quelques jours à Mostaganem, où il voulait conférer avec les trois généraux de la province d’Oran. Sous la sage administration de Bedeau, l’état des affaires était excellent dans la subdivision de Tlemcen ; il avait même obtenu du kaïd marocain d’Oudjda les déclarations les plus pacifiques et les promesses de neutralité les plus formelles. Pour