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l’Oued-Sahel ; le 10 octobre, à Bordj-Bouira, il reçut à composition les Ouled-Aziz, grande tribu limitrophe du Djurdjura ; elle avait pris part au combat du 5 ; le gouverneur se contenta de lui imposer une amende de six cents boudjous et de six cents fusils. Le 12 revenu dans la vallée de l’Isser, chez les Nezlioua, il aperçut Ben-Salem au milieu d’une grosse troupe de Kabyles, sur un plateau abrupt; mais après avoir essayé vainement de le faire descendre en plaine, il dut se contenter le lendemain de disperser à coups d’obus le rassemblement, qui ne tarda pas à disparaître. Ce dernier incident amena des soumissions nouvelles. Le gouverneur jugea qu’il en avait recueilli un assez grand nombre et reprit, le 15, le chemin d’Alger.

Avant de s’éloigner, cependant, il conféra solennellement à Mahi-ed-Dine la dignité de khalifa du Sebaou. Ce ne fut pas sans quelques difficultés soulevées par certains cheikhs auxquels la sévérité connue de Mahi-ed-Dine portait ombrage ; mais « cet homme, un des Arabes les plus capables que j’aie encore rencontrés » disait le général Bugeaud, prit la parole avec une fermeté calme et quand il eut dit, tous les dissidens vinrent tour à tour le reconnaître en lui baisant respectueusement la tête ou l’épaule.

C’était désormais dans l’ouest que le général Bugeaud allait achever, après l’y avoir commencée, l’œuvre de cette année laborieuse. Quand il avait remonté la vallée du Chélif, il avait cheminé entre deux grands massifs de montagne, le Dahra au nord, l’Ouarensenis au sud. Vus du fleuve, ces deux massifs lui avaient offert des aspects différens : le long de la rive droite, une sorte de muraille droite et continue ; sur la rive gauche, des hauteurs successivement étagées, coupées de distance en distance par des vallées perpendiculaires au Chélif; et tout cet ensemble dominé par une cime superbe, le grand pic de l’Ouarensenis, « l’œil du monde: » ainsi le nommaient avec admiration les Arabes. En fait, la muraille apparente du Dahra avait ses brèches, étroites fissures d’où tombaient, au moment des pluies, des eaux torrentielles; quant aux rivières amenées au Chélif par les vallées du sud, c’était, à partir du méridien de Miliana, l’Oued-Deurdeur, l’Oued-Rouina l’Oued-Fodda, l’Oued-Sly, l’Oued-Riou, l’Oued-Djidiouïa. La Mina, le dernier et le plus considérable des affluens de gauche, a son cours en dehors de l’Ouarensenis.

L’expérience acquise par les colonnes sorties de Mascara et de Mostaganem avait surabondamment démontré que ce pâté montagneux était, pour Abd-el-Kader et ses khalifas, une citadelle bien munie, où ils étaient toujours assurés de trouver des recrues et des vivres. Les principales tribus qui l’habitent sont de l’est à l’ouest, sur la lisière orientale, les Beni-Zoug-Zoug et les Djendel, au centre