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LA
LITTÉRATURE PERSONNELLE


I.

Les questions naissent les unes des autres, et s’enchaînent d’elles-mêmes entre elles, pour ainsi dire, sans qu’on y pense. Invité par l’occasion, nous examinions naguère, ou nous effleurions du moins, si les lecteurs veulent bien se le rappeler, la question de la « Thèse » au théâtre ou dans le roman; et c’était à propos d’un livre sur le Code civil et le Théâtre contemporain. Plus récemment encore, l’Histoire des œuvres de Théophile Gautier, de M. Charles de Lovenjoul, nous offrait un prétexte à toucher, sinon à traiter la question, non-seulement voisine, mais en quelque façon réciproque et inverse, de «l’Art pour l’art. » Et c’est aujourd’hui cette question qui nous engage à son tour dans une autre, moins souvent agitée peut-être, quoique non pas moins intéressante ni moins importante : celle de savoir en quelle mesure et jusqu’à quel point l’écrivain doit laisser paraître sa personne dans son œuvre, s’y mettre lui-même avec les siens en scène, faire des vers avec ses amours ou des romans avec ses aventures, de la critique avec son « tempérament, » ce qui veut dire avec ses nerfs ou avec ses humeurs, et de l’histoire enfin, comme quelques historiens, ou comme la plupart des auteurs de Mémoires, avec le ressentiment de ses ambitions déçues, de ses haines exaspérées par les souffrances de son orgueil et de sa vie manquée.