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demande si l’on peut attendre pour l’avenir de meilleurs résultats que ceux du passé. M. Maret ne semble pas douter qu’on ne s’en prenne au régime actuel de la progression constante des charges publiques et du désarroi de nos finances. Dans une autre nuance du parti républicain, le Journal des Débats écrivait tout récemment : « Dans les couches profondes du pays, on commence à percevoir quelque chose qui ne ressemble guère à la politique des comités et des politiciens. C’est un sourd malaise, une inquiétude croissante, une impatience singulière des vaines querelles et des agitations stériles, un impérieux besoin de stabilité et de repos. Malheur au parti, malheur au gouvernement qui ne comprendra pas ce besoin et qui ne lui donnera pas satisfaction ! »

Ce malaise général que l’on s’accorde à constater est encore mal défini. Le public est inquiet, mais il ne sait où chercher la fin de ses inquiétudes : il a le vague sentiment que quelques-uns des rouages du gouvernement fonctionnent mal, mais il ne voit point encore comment y porter remède. Inquiétude et malaise nous semblent justifiés. Arriverait-on, pour un an ou deux, à ramener dans le budget, non-seulement les apparences, mais la réalité de l’équilibre ; on aurait seulement enrayé le mal ; il ne tarderait pas à reparaître, parce que la cause en subsisterait toujours. Cette cause réside, en effet, dans nos institutions, ou plutôt dans la façon dont celles-ci sont dénaturées dans la pratique. Elles étaient loin d’être parfaites, et on ne les a pas améliorées par les changemens qu’on y a apportés ; mais telles qu’elles étaient sorties des délibérations de l’assemblée nationale, elles satisfaisaient aux conditions essentielles d’un bon gouvernement ; seulement il aurait fallu qu’elles fussent appliquées avec sincérité et dans l’esprit dans lequel elles avaient été conçues.

Œuvre d’hommes incontestablement libéraux, et résultat de transactions loyales, la constitution actuelle avait eu pour objet d’établir en France, sous la forme républicaine, le régime représentatif avec ses tempéramens et ses contrepoids. C’est l’existence même de ces contrepoids qui fournit des armes contre elle aux héritiers de la tradition jacobine. Ceux-ci la qualifient de constitution monarchique, parce qu’elle a établi l’indépendance du pouvoir exécutif en face du pouvoir législatif, tandis qu’eux-mêmes ne veulent reconnaître de droits qu’à une assemblée élective unique, et prétendent concentrer dans cette assemblée tous les pouvoirs. Il y a ici incompatibilité absolue de doctrines, car il est de l’essence même du régime représentatif que le gouvernement, quel qu’en soit le titre et quelle qu’en soit l’origine, gouverne, et que les représentans du pays contrôlent son action, suivant la vieille maxime de