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origine dans le budget voté pour cette année, même lorsque recettes et dépenses sont effectuées après le douzième mois. Comme il fallait une limite, on a fixé la durée de l’exercice financier à dix-neuf mois : ce n’est qu’à son expiration que les pièces comptables commencent à être transmises à la cour des comptes, qui rapproche les paiemens des crédits ouverts, et lorsque cette cour a pu vérifier les faits et en constater l’irrégularité, le ministre coupable de ces infractions a depuis longtemps quitté le pouvoir, et souvent même la chambre qui a ouvert les crédits a fait place à une autre législature. Qui poursuivra rétrospectivement le redressement des irrégularités constatées ? Quel moyen de revenir sur des faits qui ont plusieurs années de date ? En demandera-t-on compte à un ancien ministre redevenu un particulier, et quelle pénalité lui appliquer ? De peur qu’un accès de rigorisme ne saisisse une chambre nouvelle, on a pris, depuis quelques années, la précaution de ne plus imprimer à la suite des projets de loi portant règlement définitif d’un budget les observations auxquelles ce budget a donné lieu de la part de la cour des comptes. Ces observations sont imprimées à part et ne sont plus distribuées qu’aux députés, en fort petit nombre, qui songent à les réclamer. Le contrôle de la chambre sur l’emploi des crédits n’est donc qu’une fiction.

Il n’en est ainsi ni en Angleterre, ni en Italie, ni aux États-Unis. Là les comptes se vérifient en temps utile, pour constater les erreurs et les redresser. Nous avons exposé, à propos des finances italiennes, le rôle d’une institution particulière à l’Italie, la Ragioneria generale, qui a pour mission de contrôler la comptabilité de toutes les administrations, de fournir à la cour des comptes tous les élémens de ses appréciations, et qui prépare le compte définitif des budgets de façon à le soumettre au parlement dès le quatrième mois qui suit la clôture de l’exercice. Ainsi que nous l’avons fait observer, le parlement italien a réglé définitivement un budget avant que, chez nous, la cour des comptes ait encore été saisie d’une seule pièce comptable. En Angleterre, une loi de 1866 a institué, sous la haute direction du premier lord de la trésorerie, un contrôleur-général et un corps spécial de fonctionnaires dont la tâche est de vérifier les comptes de toutes les administrations et l’emploi fait des crédits. Lorsque le contrôle découvre une irrégularité, telle que mauvaise application, dépassement ou virement de crédit, il provoque des explications de la part de l’administration en faute, et si les explications lui paraissent insuffisantes, ce dissentiment est constaté par écrit. Les résultats de la vérification générale des écritures sont consignés, en effet, dans des rapports que le contrôle-général doit remettre à la trésorerie pour le 15 janvier, c’est-à-dire