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dans le dixième mois qui suit la clôture de l’exercice, et la trésorerie les doit, à son tour, transmettre au parlement dès la première semaine de la session. Ainsi, avant que douze mois se soient écoulés, la chambre des communes est en possession de tous les comptes de l’exercice clos le 31 mars précédent. Dans le premier mois de la session, elle doit elle-même nommer une commission de onze membres, dont les hommes les plus considérables du parlement ne dédaignent point de faire partie, qui est « chargée d’examiner les comptes, et notamment l’appropriation des sommes votées par le parlement pour pourvoir aux dépenses publiques. » Cette commission prend connaissance des rapports du contrôle, fait au besoin appeler les chefs d’administration, examine les questions sur lesquelles les services et le contrôle sont en désaccord, et propose ensuite à la chambre des décisions qui font jurisprudence ; il est arrivé que la chambre a mis à la charge de certains fonctionnaires des paiemens indûment effectués par eux. Le contrôle de l’emploi des fonds est donc, chez nos voisins, autrement rapide et efficace qu’il ne l’est en France. On ne pourra obtenir les mêmes avantages qu’en abrégeant la durée de l’exercice financier, qui pourrait sans inconvénient être réduit à quinze mois, si l’on ne se décide pas à confondre l’exercice avec l’année, et qu’en mettant la cour des comptes en relation directe avec le parlement.

Il est une autre réforme que nous pourrions emprunter aux législations étrangères, et dont l’adoption, du reste, semble préparée par un mouvement manifeste de l’opinion. Il s’agit des rapports du parlement avec l’armée. Que le budget de la guerre doive être voté par la chambre et que le ministre de la guerre doive partager la responsabilité de ses collègues dans le gouvernement, cela ne fait doute pour personne ; mais on est frappé, d’un autre côté, des conséquences déplorables que peut avoir pour la bonne organisation et la discipline de l’armée une trop grande mobilité dans le personnel de ses chefs : chaque changement du cabinet amenant un changement de système et un remaniement des règlemens, suivant les visées du nouveau ministre, alors que l’esprit de suite et la stabilité seraient si désirables.

Les inconvéniens dont nous souffrons n’existent point ailleurs. Il y a en Angleterre un ministre de la guerre membre du cabinet et associé à sa politique ; mais ce ministre n’a dans ses attributions que le matériel et les finances de l’armée : la solde, les vivres, l’équipement, les approvisionnemens, les constructions : en un mot, tout ce qui constitue un emploi de fonds et doit relever, par conséquent, du parlement ; mais le commandement suprême des forces de terre et de mer appartient au souverain, avec tous les droits