Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

filles dans la direction de leur intérieur, et de leur apprendre ce que l’expérience leur a enseigné.

Il en est de même des travaux d’aiguille. Au lieu de ces broderies, de ces petits objets futiles auxquels elles consacrent tant de temps, il serait plus utile de leur montrer la couture, de leur enseigner à confectionner et à réparer leurs vêtemens, ne fût-ce que pour les mettre à même de surveiller et de diriger leurs ouvrières. Ces connaissances de premier ordre s’imposent surtout aux jeunes filles sans fortune. Celles-là devraient au moins, à défaut de dot, apporter dans leur ménage les connaissances nécessaires pour le diriger avec talent et économie.


III.

J’arrive à la culture hygiénique, et j’aurais pu commencer par là, car c’est l’élément le plus important de l’éducation de la femme. Toutes les qualités morales et intellectuelles sont stériles lorsqu’elles n’ont pas pour support un organisme capable de les faire valoir. Une femme débile et valétudinaire, fût-elle douée des plus nobles qualités du cœur et de l’esprit, est destinée à souffrir sans cesse et à faire souffrir les autres ; car ces êtres névropathiques et charmans sont d’autant plus tendrement aimés qu’on les sent plus à plaindre. Elles exercent, sur ceux qui les entourent, une fascination telle qu’on arrive à tout leur sacrifier, sans un regret, sans un murmure. Ce type de femmes fourmille aujourd’hui. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’espèce humaine va sans cesse s’affaiblissant. La science contemporaine a fait justice de cette légende, que les peuples se léguaient depuis les temps les plus reculés ; elle nous a prouvé que nos premiers parens nous ressemblaient à s’y méprendre. Si nos ancêtres immédiats étaient plus robustes que nous, c’est qu’ils développaient davantage leur système musculaire, et qu’ils n’abusaient pas autant de leur système nerveux ; c’est qu’ils menaient une vie plus rude, moins énervante que la nôtre. Les femmes surtout ont complètement changé leurs conditions d’existence. Elles se sont entourées d’un bien-être et d’un confortable qui étaient autrefois inconnus, même dans les classes les plus élevées de la société.

Au moyen âge, les plus grandes dames habitaient des châteaux perchés sur des collines, et dont le vent venait battre les murailles de tous les points de l’horizon. Il s’engouffrait dans les grands escaliers de pierre, mugissait dans les corridors, se glissait à travers les portes mal closes et glaçait, jusqu’au fond de leurs alcôves, les