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par des entreprises de partisan : il ne peut reconquérir sa puissance. » Voilà ce que le général Bugeaud écrivait au maréchal Soult en résumant la campagne de 1842; et il ajoutait: « Je ne sais où il portera ses pas. » Le général Bugeaud allait être, plus tôt qu’il ne pensait, tiré d’incertitude.

A peine les colonnes françaises venaient-elles de quitter l’Ouarensenis, qu’Abd-el-Kader y reparaissait, rapide comme la foudre, terrible comme elle. Aux tribus qui s’étaient sauvées par une fausse soumission, il pardonna aisément; mais à celles qui s’étaient sincèrement soumises, il fut impitoyable. Tel était le cas des Ouled-Kosséir et des Attaf. Leurs douars furent mis à sac, leurs grands décapités. L’émir n’osa pas faire tomber la tête de Mohammed-bel-Hadj, le grand chef des Beni-Ouragh, mais il l’envoya, chargé de fers, à la smala.

En même temps qu’il terrifiait les uns, il abusait les autres par des mirages de paix. Il n’y avait pas jusqu’à la présence du duc d’Aumale en Algérie qui ne lui servît de prétexte. « Le gouvernement de la France, faisait-il écrire partout, et le roi des Français veulent traiter avec la nation arabe ; le gouverneur seul veut faire obstinément la guerre ; mais son temps est fini, et le fils du roi lui-même a été envoyé dans le pays pour hâter la conclusion des négociations. » Quand il convoquait les goums de tout l’Ouarensenis, c’était, assuraient ses courriers, pour qu’il pût se présenter devant le prince avec une escorte imposante. La terreur et la ruse aidant, il avait réuni en quelques jours des forces considérables, et, sûr de l’Ouarensenis, il était passé dans le Dahra. A la voix de Barkani, qui l’y avait devancé, les belliqueux Beni-Menacer s’étaient déjà mis en insurrection.

Quand ces nouvelles arrivèrent à Alger, elles purent surprendre le général Bugeaud, elles ne le troublèrent pas. On eut alors la preuve évidente des qualités supérieures de cet homme de guerre, la résolution et le sang-froid. Comme la révolte, flagrante dans le Dahra, pouvait gagner, par l’Ouarensenis, tout le Tell et le sud même, il mit de tous côtés en campagne des colonnes mobiles. Au général de Bar, il prescrivit de marcher d’Alger sur Cherchel ; au général Changarnier, de concourir à ce mouvement à l’ouest de Miliana; au lieutenant-colonel de Saint-Arnaud, de couvrir contre Ben-Allal les Beni-Zoug-Zoug, les Djendel et les Ayad; au duc d’Aumale, de se porter de Médéa vers Boghar ; à La Moricière et au général Gentil, qui avait remplacé d’Arbouville à Mostaganem, de surveiller la lisière occidentale de l’Ouarensenis et du Dahra.

Le grand effort de la répression commença, le 20 janvier 1843, contre les Beni-Menacer. Le général de Bar, excellent homme, très attaché au gouverneur, mais de facultés moyennes, n’y réussit pas