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postés. Il y avait là 1,200 réguliers ; les zouaves n’étaient que 400. L’affaire fut très chaude et resta douteuse jusqu’au moment où le commandant Canrobert, accourant à la fusillade, arriva par la traverse et décida le succès. Le lendemain, les khalifas, menacés par un mouvement du gouverneur, abandonnèrent la partie, et les soumissions, un moment arrêtées, affluèrent derechef.

Le général Bugeaud reprit alors le chemin d’Orléansville, laissant aux généraux La Moricière et Bourjolly d’une part, au colonel Pélissier de l’autre, le soin d’achever et de perfectionner son œuvre dans tout l’espace compris entre Mascara et Miliana. Ils répondirent tous les trois à sa confiance. Battus, le 4 juillet, à Zamora, par Bourjolly, traqués sans relâche, du 6 au 17, sur tous les points de leur territoire par Bourjolly et La Moricière ensemble, les Flitta furent réduits à donner des otages. Dans l’Ouarensenis, tout ce qu’il y avait encore de petites soumissions à recueillir fut ramassé par le colonel Pélissier, comme le glanage après la moisson.

C’eût été à merveille si toutes ces soumissions si frêles avaient pu résister aux surprises d’Abd-el-Kader ; avec ce coureur insaisissable, on n’était jamais ni nulle part en sécurité. Il y avait, sur l’Oued-el-Hammam, un détachement de 250 hommes occupés aux travaux de la route d’Oran à Mascara ; tout à coup, le 24 juillet, à la pointe du jour, ils sont assaillis par l’émir, qui veut réparer ici l’échec de son coup de main sur Mascara. Au lieu d’un mur, il n’a devant lui qu’un parapet en pierre sèche, à peine terminé de la veille; ses cavaliers sont descendus de cheval pour donner l’assaut de concert avec les hommes de pied ; vain espoir, vains efforts. Il est prouvé une fois de plus que les Arabes sont incapables de forcer le moindre retranchement, s’il est défendu avec vigueur.

Cette pointe audacieuse ne réussit donc pas, mais elle suffit à répandre partout aux environs la terreur. Comment y remédier? Comment empêcher les incursions d’un ennemi qui se jouait des colonnes mobiles, qui passait insolemment ou se glissait furtivement entre elles, qui ne traînait ni convois ni bagages, vivant au jour le jour, trouvant partout des espions habiles à le renseigner, des cavaliers prompts à le suivre, ayant la vitesse, les zigzags et l’imprévu de la foudre. Cependant, si on ne pouvait égaler la rapidité de l’émir, il n’était pas impossible d’atteindre les nomades du sud, ses derniers auxiliaires, sa dernière réserve.

On avait des colonnes mobiles : il fallait avoir des colonnes légères. L’idée en vint à la fois de Paris et d’Alger; les dépêches du maréchal Soult et du général Bugeaud sur ce même sujet se croisèrent en chemin. Celle du maréchal était datée du 18 juillet : deux jours auparavant, le gouverneur avait envoyé au colonel