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Pour la politique, c’est la France traitée comme une grenouille ou un lapin de laboratoire, abandonnée entre les mains d’opérateurs inhabiles aux recettes des empiriques et aux expériences des utopistes.

Quelle politique extérieure pourrait avoir un pareil gouvernement? Quelle impression ferait-il en Europe? Certains politiciens semblent s’imaginer qu’un pays peut tout se permettre chez lui, sans que sa position au dehors en soit affectée. C’est là une erreur enfantine. Un état ne peut ébranler ses institutions, ruiner ses ressources, affaiblir son gouvernement, sans se discréditer à l’étranger. Les conquêtes du radicalisme ne froissent pas seulement les susceptibilités de douairière de la vieille Europe, elles inquiètent les cabinets et enlèvent la confiance des hommes d’état.

« Nous autres souverains, disait un jour le roi Victor-Emmanuel à un des ambassadeurs de la république, nous sommes monarchistes.» C’est là, soit dit en passant, un des motifs de l’alliance de l’Italie avec les empires voisins. 6e qui est vrai du Quirinal l’est encore davantage de la Hofburg et du Palais d’hiver. A plus forte raison est-on enclin au conservatisme dans les cours étrangères. Tout l’esprit des Français ne saurait empêcher que, princes et ministres, les hommes qui dirigent les affaires européennes, aient généralement des préjugés conservateurs, qu’ils aient peu de confiance dans l’extrême démocratie, qu’à leurs yeux les idées révolutionnaires soient un débilitant et le radicalisme un dissolvant.

On paraît croire en France que, si les gouvernemens étrangers ne font pas bon visage au radicalisme, c’est uniquement parce qu’ils en craignent la propagande. Quand nous aurions une politique radicale, disent nombre de Français, ce serait pour l’intérieur: nous n’aurions garde d’en faire un article d’exportation. Nous serions, à Paris, les protégés des révolutionnaires et les instrumens des socialistes, sans être au dehors les fauteurs du républicanisme ni les patrons du nihilisme. Notre dynamite, nous saurions la mettre sous clef; quand elle ferait explosion, les voisins n’auraient pas à en redouter les éclats : nous sauterions tout seuls.

Les Français qui raisonnent ainsi ne songent qu’aux ennemis de la France ou aux indifférens. Ils oublient les peuples ou les gouvernemens qui portent encore intérêt à la puissance française. Si les étrangers appréhendent l’avènement du radicalisme, ce n’est pas seulement pour eux-mêmes, c’est aussi pour la France; ce n’est pas uniquement qu’ils aient peur des théories radicales, c’est aussi qu’ils n’y croient pas. De ce qu’on craint l’infection de la fièvre révolutionnaire, il ne suit point qu’on la regarde comme bénigne pour le malade qui risque de l’apporter aux autres. Parce