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et son frère, tout un fond de politique, de menées, de complots, la ligue; puis le drame privé mêlé au drame public, les amours de Bussy, de Diane et de Monsoreau. Tout cela haché menu, par tableaux, et mené grand train, sans une halte, sans un repos, sans que la musique ait le temps d’approfondir un sentiment, de tracer un caractère. Elle s’essouffle à courir après un drame qui n’a pas besoin d’elle, et dont les incidens s’accommoderaient d’un trémolo ou de quelques mesures d’Artus.

Si au moins Maquet avait respecté le drame primitif, qui était à moitié le sien ! Il était charmant, ce drame, chevaleresque et spirituel, plein de beaux coups d’épée et de belles paroles d’amour. Et quelle couleur historique ! Je ne dis pas que Dumas soit Mommsen ou Bossuet, ni que ses pièces et ses romans soient faits au même point de vue que le Discours sur l’histoire universelle. Mais Dumas avait un grand principe : divertir les gens. Le système a du bon, et ne l’applique pas qui veut.

Dans l’opéra, plus de Chicot. Voilà l’erreur capitale, l’irrémédiable faute. Le malin, l’héroïque, le sympathique Chicot était l’âme, non pas damnée, mais bienfaisante, de la Dame de Monsoreau. Il menait toute la pièce, nouait et dénouait toutes les situations. Ce bouffon d’esprit et de cœur tenait un instant entre ses mains la fortune de la France. Il tutoyait le roi; il veillait sur lui et pour lui. il le sauvait, il sauvait Diane, il sauvait Bussy, il sauvait tout le monde, et se faisait tuer bravement et gaîment à la fin. Supprimer Chicot, c’est supprimer non-seulement la principale figure du drame, mais la plus originale, la plus neuve, la seule qui prêtât à la musique. Plus de Chicot, partant plus de gaîté, plus d’entrain; plus rien que la carcasse d’un mélodrame lugubre, rendu, par de maladroites coupures, inintelligible à qui n’a pas le souvenir de la pièce primitive. Ces coupures, dit-on, sont nécessaires; sans elles, le drame, devenu opéra, eût duré sept ou huit heures. Raison de plus, alors, pour ne pas faire un opéra de ce drame.

Rappelons-en seulement la donnée et la suite, qui l’autre soir a paru un peu décousue. — Premier tableau : Diane de Méridor est enlevée par ordre du duc d’Anjou, et conduite au château de Baugé. Le comte de Monsoreau, qui l’aime, et qu’elle hait parce qu’il a tué sa biche familière, arrive à temps pour sauver la jeune fille. L’écharpe de Diane, jetée dans l’eau des fossés, fera croire à un suicide. — Second tableau : Bussy d’Amboise, l’ami du duc d’Anjou, mais surtout l’ami, presque le fils adoptif du vieux baron de Méridor, vient dénoncer au roi l’enlèvement de Diane. Le roi reconduit; les mignons le provoquent, et le soir même, en sortant du Louvre (troisième tableau), ils l’attaquent et le blessent. Bussy, chancelant, s’appuie contre une porte qui cède, et qu’il ferme au visage des assaillans. Cette porte est