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recueillies sur les chemins leur donnaient le droit de toucher à tout sous prétexte de tout réformer, d’abuser de tout, de mettre les infatuations, les tyrannies et les plus vulgaires cupidités de parti à la place de l’esprit et des idées de gouvernement. Le résultat ne s’est pas fait longtemps attendre. Il s’est trouvé qu’en quelques années ils avaient introduit le désordre dans les administrations, la confusion dans les pouvoirs, la faiblesse dans l’état, le déficit par l’imprévoyance et les prodigalités dans les finances. Et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que même encore aujourd’hui, ils ne sont pas éclairés. Vainement ils sont replacés tous les jours en face des conséquences de leurs œuvres, ils ne sentent pas les embarras, les périls de la situation qu’ils ont créée, ou s’ils les sentent, ils n’osent pas reculer par fausse honte. Ils continuent leur médiocre besogne, et tandis que les événemens se pressent, la France en est encore à avoir un budget. « Nous sommes au mois de février, disait l’autre jour M. Ribot, et il n’y a pas de budget, voilà tout ! » Il y a mieux : assez récemment, un des rapporteurs du budget prétendait naïvement que le système des douzièmes provisoires n’était pas si mauvais. Oui, ces hommes d’état du jour s’y entendent, c’est bien le moment d’inaugurer le régime des douzièmes provisoires, de mettre en doute l’existence de la Banque de France, et de se livrer à un certain nombre de petits exercices de ce genre quand tout est incertain dans le monde !

Évidemment ce n’est pas par un vote précipité que l’ordre peut rentrer dans les finances et que le déficit peut en sortir. Ce n’est pas la question. Le jour où une discussion sérieuse pourra s’engager, c’est à une liquidation véritable qu’il faudra procéder. Pour le moment, ce qu’il y avait de plus nécessaire, de plus pressant, c’était d’en finir en touchant le moins possible aux services tels qu’ils existent, et en laissant surtout aux recettes publiques toute leur élasticité, toute leur puissance. Que le budget proposé par le gouvernement fût une œuvre provisoire d’expédient et de circonstance, laissant en suspens le problème de la situation financière de la France, c’était bien clair : il existait, et c’était pour l’instant l’essentiel. Le plus dangereux des systèmes était de tout compliquer par des remaniemens d’impôts et des innovations qui ne pouvaient que retarder le vote. C’est ce qu’a fait en réalité la commission du budget avec ses économies médiocrement étudiées et ses réformes improvisées, inspirées les unes et les autres par l’esprit de parti beaucoup plus que par l’intérêt financier. La commission du budget, où se trouve la fleur du radicalisme, propose des économies, et elle les propose sur tous les services, par pièces et par morceaux, mais particulièrement et naturellement de préférence sur les cultes. Réduire, réduire sans cesse la dotation des cultes déjà diminuée d’année en année, c’est tout trouvé, c’est l’idéal des économies ! La commission du budget veut aussi, veut surtout cher-