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touchaient 3,000 francs, les juges de paix 1,200, les recteurs d’université 6,000. Les fonctionnaires, beaucoup moins nombreux qu’en 1860, suffisaient à leur tâche, et le pays paraissait, sous Louis-Philippe, suffisamment administré, nullement livré à la barbarie, ni même en proie au désordre. Les assemblées républicaines, après 1848, avaient même trouvé matière à plus de 150 millions d’économies sur le chiffre de 1,000 millions, et cela tout en augmentant la dotation de l’instruction publique et celle de l’agriculture.

L’empire accrut singulièrement le nombre et l’importance des traitemens, par un travers commun à tous les gouvernemens qui veulent être aimés pour eux-mêmes et qui espèrent tirer quelque force des créatures qu’ils entretiennent jusque dans les recoins les plus obscurs du budget. De 1847 à 1869, les salaires des agens diplomatiques et consulaires avaient augmenté de 2 millions, ceux des magistrats de 6 millions. Durant ces vingt-deux ans, les dépenses de l’instruction primaire s’étaient élevées de 15 millions, celles de l’enseignement secondaire ou supérieur de 5 millions ; on payait Il millions de plus pour l’administration départementale, et 16 millions de supplément pour les prisons et la police, qui, du reste, on en convient, n’était pas mal faite. Dans le budget de 1869, beaucoup de gens, vivans encore aujourd’hui, voyaient force retranchemens à opérer, mais personne, que je sache, ne trouvait aucun service public en souffrance. Ce sont cependant les mêmes services qui coûtent actuellement 3 milliards et demi. De ces 1,300 millions d’accroissemens doivent être, il est vrai, déduits les irais de la guerre de 1870. ne de la défaite, le nouveau régime dut, à peine formé, récompenser les vainqueurs, indemniser les vaincus et parer au retour de nouveaux désastres : de là un surplus de 600 à 700 millions de charges.

Mais cette augmentation pouvait n’être que temporaire ; une ère nouvelle s’ouvrait : le pays allait se gouverner lui-même. Ne voyait-on pas, de l’autre côté de l’Atlantique, une grande république, sœur aînée de la nôtre, au sortir d’une lutte sauvage où son existence même fut en péril, et auprès de laquelle notre campagne de 1870-71 était peu de chose, relever ses finances et rembourser sa dette? l’entreprise n’était pas impossible, puisqu’il y a six mois nous entendions le président des États Unis déclarer ne savoir que faire de l’or dont il avait les mains pleines. A la même heure, nos ministres cherchaient partout cent pauvres petits millions pour mettre d’aplomb notre budget. En effet, tandis qu’en Amérique on n’a cessé de chercher ce qu’on pouvait bien économiser, ici on s’est creusé la tête pour savoir ce qu’on pourrait