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le cyprès et plusieurs genévriers, ne sont pas les seuls : à mesure que l’on s’avance à l’intérieur de la région, les pâtés montagneux qui s’élèvent au-dessus d’une certaine altitude, au lieu d’admettre simplement les pins ou sapins de l’Europe centrale, en présentent d’autres entièrement spéciaux, et c’est à de pareils îlots de végétation, sortes d’oasis perdues au sein de l’océan des plantes ordinaires, que nous sommes redevables de la présence des sapins d’Andalousie, de Numidie, de Céphalonie, du Mont-Parnasse et de Cilicie, maintenant plantés dans les jardins. Enfin, il faut ranger dans la même catégorie les cèdres, qui, sous divers noms et avec certaines nuances, peuplent les croupes du Taurus, du Liban et de l’Atlas, au-dessus d’un certain niveau d’altitude. Ce sont là des résineux montagnards, appropriés aux stations alpines de la région méditerranéenne, au sein de laquelle l’altitude permet également au hêtre, au châtaignier, à certains érables et tilleuls, même au bouleau, de reparaître et de se maintenir çà et là, distribués par colonies discontinues.

Il existe encore, au sein de la région, un groupement d’espèces fondé sur la nature du sol, siliceux ou calcaire, trop prononcé et trop universel pour ne pas être signalé. Non-seulement certaines essences, telles que le chêne-liège, le châtaignier et le pin maritime, se trouvent limitées à la zone siliceuse ; mais tout un cortège de plantes et d’arbustes les accompagnent et forment une association destinée à reparaître partout où la composition minéralogique du sol le comporte, avec une saisissante uniformité, que ce soit en Provence, en Corse ou en Algérie. Une aussi étroite adaptation, une sélection aussi absolue, ne sauraient être l’œuvre d’un petit nombre de siècles. Il est au contraire naturel de les attribuer à des causes ayant leur raison d’être dans le passé, et même dans un passé des plus reculés.

Pour achever d’apprécier par ses traits les plus décisifs l’association forestière du pourtour méditerranéen, il ne suffit pas de s’attacher aux formes dominantes, il faut encore considérer certaines parties de la région, demeurées exceptionnellement abritées et favorables, en même temps que celles où des rigueurs intermittentes de température n’ont épargné que les types les plus résistans et les plus triviaux. Dans son acception la plus générale, lorsqu’on dresse une liste d’ensemble, la végétation forestière du domaine méditerranéen comprend un total d’environ deux cents espèces, qui jouent un rôle plus ou moins important dans la composition du paysage. Trois élémens doivent être distingués dans cet ensemble : d’abord l’élément principal et caractéristique, où dominent les végétaux à feuilles persistantes, et qui comprend,