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capitaine Bessières, qu’appuient le goum et un peloton de spahis. Cette attaque était dirigée par M. le lieutenant-colonel Tatareau, chef d’état-major. En même temps, le 2e de ligne enlève le bois de palmiers. La cavalerie et trois compagnies de la légion étrangère suivent le lit de la rivière et arrivent au pied des rochers escarpés où l’ennemi se croyait à l’abri de nos poursuites. Il est bientôt débusqué, avec grande perte, du village retranché, où s’établit le 2e de ligne ; mais le fort, situé à mi-côte, sur une arête fort étroite, au-dessus de la gorge de l’Oued-el-Abiod, présente une vive résistance et inquiète par un feu plongeant les troupes, qui se rallient après l’enlèvement des premières positions. Un petit plateau, où se trouvent deux forts de moindre importance, est occupé par la légion étrangère et par l’artillerie. Quelques obus lancés avec bonheur tuent ou blessent une partie des défenseurs et favorisent le mouvement de M. le commandant Chabrière, qui, avec deux compagnies de la légion, gravit les rochers pour tourner le fort, en se défilant le mieux possible du jeu très vif qui est dirigé sur lui de toutes parts. Le 2e de ligne débouche en même temps du village, et le fort est enlevé.

« Cependant une compagnie de la légion étrangère, détachée sur la droite, pour contenir les Kabyles qui gênaient l’attaque du fort, cheminait avec succès vers la crête supérieure de la montagne, lorsque les réguliers accoururent pour la défendre. Ils font pleuvoir sur les assaillans une grêle de balles et roulent sur eux des quartiers de rocher. Des difficultés de terrain épouvantables arrêtent l’élan des braves grenadiers ; les officiers et sous-officiers cherchent à s’ouvrir un passage : ils sont les premiers atteints. Une lutte corps à corps s’engage ; écrasés par le nombre, nos hommes vont reculer ; mais les troupes qui ont pris part à l’attaque du fort et du village voisin arrivent à leur aide. Les tirailleurs indigènes, après le succès de leur première attaque, accourent et essaient de tourner la position par la droite ; les obusiers sont traînés à bras jusqu’à mi-côte ; les tambours battent ; on s’élance à la charge et les dernières hauteurs sont enlevées à la baïonnette. La fusillade cesse instantanément. L’ennemi épouvanté s’enfuit de toutes parts, abandonnant toutes ses provisions et laissant sur le terrain des cadavres que la précipitation de sa retraite ne lui a pas permis d’enlever. Mon frère le duc de Montpensier, qui paraissait pour la première fois à l’armée, dirigea pendant tout le jour le feu de l’artillerie. Le soir, il eut l’honneur de charger avec plusieurs officiers, à la tête de l’infanterie, et il fut légèrement blessé à la figure. »

Mohammed-bel-Hadj s’était enfui dans le Djerid. La colonne expéditionnaire reprit la direction de Batna, où elle arriva, le 21 mars,