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dispense MM. Bisson et Mars de tous frais d’invention ou d’observation. Mais si le premier de ces vaudevilles est bien construit, bien conduit, le second l’est à miracle. Vous connaissez la série de raisonnemens par la quelle, même sans le secours du divorce, on arrive à trouver qu’un homme est son propre grand’père. Le divorce aidant, concevez un peu où parvient un auteur, s’il est hardi et habile ! Mais vous ne pouvez le concevoir à moins d’égaler cet auteur, — ou de connaître sa pièce. — Réunir bravement les conditions les plus invraisemblables pour ménager les coups de théâtre les plus bouffons, préparer clairement des quiproquos, les prolonger avec facilité, les résoudre avec élégance, mener une parade gauloise (je dis: gauloise, pour la bonne humeur, pour la rondeur) du train d’une pantomime anglaise, tout cela n’est qu’un jeu pour MM. Bisson et Mars; et, au service de leur verve, quel mime prodigieux que M. Joly ! Ayant divorcé pour fuir sa belle-mère et s’étant remarié, vous dire la figure qu’il fait lorsque, son nouveau beau-père ayant épousé sa première femme, il retrouve dans son propre salon le monstre lui-même, — non ! j’y renonce! Comment évoquer par des mots ces traits décomposés, ces cheveux dressés sur la tête, cette bouche ouverte et ces yeux écarquillés d’un Oreste comique apercevant une Euménide !.. Autant essayer, par une lente analyse, de vous rendre l’allure de la pièce. Je vous dis que sa drôlerie et celle de l’acteur sont irrésistibles; je ne vous demande pas de me croire, mais d’y aller voir.


LOUIS GANDERAX.