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les autres, il est produit par des sensations se rendant aux centres et provenant du membre en mouvement (théorie centripète). Quant au siège de ces sensations dans le cerveau, on est porté à croire que les circonvolutions frontales et pariétales contiennent des centres moteurs. Ces deux théories trouvent des points d’appui dans des expériences faites sur les hystériques, qui sont devenues de nos jours de véritables machines analytiques à l’usage de la psychologie. D’un côté, en effet, l’on voit des hystériques ayant perdu le sens musculaire et qui, les yeux fermés, n’ont aucune conscience des mouvemens passifs que l’on imprime à leurs membres ; et, cependant, cette perte du sens musculaire n’ôte rien à la précision des mouvemens que le sujet exécute ; par exemple, il écrit aussi correctement les yeux fermés que les yeux ouverts. Cette observation, suivant quelques auteurs, prouverait en faveur de la théorie centrifuge ; car, puisque les sensations centripètes sont abolies chez les malades, il faut bien qu’il existe un état de conscience quelconque réglant leurs mouvemens ; et cet état de conscience ne peut être déterminé que par le courant de sortie de l’influx moteur. En revanche, il est des hystériques, au contraire, qui, perdant la conscience des mouvemens passifs, perdent en même temps celle des mouvemens actifs, et deviennent incapables d’exécuter un seul acte les yeux fermés : cela revient à dire que, les sensations centripètes étant abolies, les mouvemens volontaires deviennent impossibles. Ce serait la preuve qu’il n’existe aucun sentiment lié à la décharge motrice et pouvant régler les mouvemens en l’absence de sensations centripètes. On voit que la physiologie a encore fort à faire avant de prétendre qu’elle a résolu ces questions. Mais, à titre de faits, les expériences en question sont très intéressantes, et combien de fois n’arrive-t-il pas dans les sciences expérimentales que l’on possède des faits sans pouvoir encore les relier par des théories ?

Dans la question de la mesure des sensations, l’on a essayé d’appliquer d’une manière précise les mathématiques à la psychologie. Il faut distinguer ici la vitesse et l’intensité des sensations. Disons quelques mots des recherches qui ont porté sur l’intensité. Le point de départ de la théorie est cette loi de Kant : « Toutes nos sensations sont des quantités intensives, c’est-à-dire ont un degré. » Nous savons, en effet, que toute sensation se présente à nous comme étant plus ou moins forte, et, par conséquent, comme une grandeur. Dès lors, si la sensation est une grandeur, ne peut-on pas la mesurer comme toute grandeur et toute quantité ? Il faut bien distinguer les mesures psychologiques ou physiologiques et les mesures physiques déjà trouvées par les physiciens ; on sait, en effet, que la physique mesure des sons, mesure des lumières (photométrie), mesure des