Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/589

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étape naturelle pour atteindre l’Amérique, il n’y a pas de commerce direct. La distance est trop considérable ; la mer des Indes, la Mer-Rouge et le canal de Suez offrent aux produits des îles de la Sonde, de Bornéo et de Célèbes, une route plus courte pour gagner l’Europe.

Aussi entre ces deux parties de l’Océanie nul point de contact, aucun rapprochement. Ce sont deux mondes parfaitement distincts, en dépit de la similitude d’origine des races indigènes qui les habitent. L’influence espagnole domine dans l’archipel d’Asie, comme l’influence anglaise dans l’Australasie. Dans la Polynésie du nord, nous rencontrons celle des États-Unis. San-Francisco, la grande métropole de l’ouest, la reine du Pacifique, déborde et domine sur cette partie du monde, détournant à son profit une partie du commerce du Japon et de la Chine, attirant dans son port immense, tête de ligne du grand chemin de fer du Pacifique, les soieries, les thés, les sucres, le café, le coton, le riz de l’Asie et de l’archipel havaïen.

Situées entre le 23e et le 18e degré de latitude nord et entre le 160e et le 155e degré de longitude ouest du méridien de Greenwich, les îles Havaï, au nombre de huit, décrivent une courbe du sud-est au nord-ouest.

En arrivant du sud-est, on relève d’abord l’île de Havaï, qui donne son nom au groupe, et dont les montagnes géantes, plus élevées que le Mont-Blanc et couvertes de neigea éternelles, projettent au loin leur ombre sur l’océan. Ces sommets abrupts étaient, il y a peu d’années encore, couronnés de volcans en éruption, vomissant des fleuves de lave et de feu qui venaient se perdre dans la mer, comblant ses abîmes, créant çà et là des caps menaçans, enserrant des anses profondes et modifiant chaque année la configuration du sol. L’île a ainsi grandi, et, dans cette lutte incessante entre les vagues de l’océan et le feu souterrain, le feu l’a emporté, conquérant tantôt quelques mètres, tantôt des lieues entières.

J’ai vu, en 1868, à la suite d’une éruption violente, le volcan de Kilauéa rouler dans la mer des flots de lave dont l’amoncellement forme un promontoire de plus d’une lieue de longueur et d’au moins 500 pieds de hauteur. Dans un siècle ou deux, cette lave noire et stérile, décomposée par l’action du soleil et des pluies, sera convertie en un sol fertile couvert d’une herbe épaisse, qui n’attendra plus que le travail de l’homme pour récompenser ses peines au centuple.

L’île d’Havaï se compose, à proprement parler, de trois montagnes aux flancs arrondis, séparées par de hauts plateaux couverts de belles forêts et de gras pâturages. La côte, gracieuse et dentelée dans la partie sud, est ombragée de grands rideaux d’orangers, de