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races asiatiques, celles de l’Asie du Nord en particulier, sont désireuses de s’instruire, lasses de leur immobilité, impatientes de nous suivre dans les voies de progrès et de réformes. Mais le caractère de leurs missions diffère essentiellement de celui que nous voudrions voir dominer en France. En envoyant à l’étranger leurs nationaux, ces gouvernemens poursuivent uniquement un but d’instruction ; quant à nous, c’est vers un idéal plus élevé que nous aspirons, et, pour préciser, nous voulons l’assimilation graduelle des populations indigènes. C’est un devoir strict, en même temps faire acte d’habileté, que d’éclairer celles de ces races que la Providence a placées sous la tutelle de la France. À ce titre, comme à beaucoup d’autres, l’École cambodgienne, dont je vais parler un peu longuement, et qui fonctionne dès à présent à Paris, mérite de fixer notre attention, car elle est un acheminement réel, — quelque modeste que soit ce premier pas, — vers la réalisation d’une institution utile.


III

L’idée de la création d’une école comme celle dont nous allons parler n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle, le révérend père Charles de Montalembert[1], missionnaire aux Indes orientales, demandait que l’on fondât, en France, un collège à l’usage des jeunes Indiens ; ils y auraient été envoyés pendant plusieurs années, et, leur instruction terminée, ils seraient revenus dans leur pays pour occuper des emplois et propager notre influence.

Ce projet n’eut pas de suite.

En 1885, M. Pavie, attaché au service télégraphique, rentrait en France après un séjour de onze années consécutives au Cambodge. A son arrivée à Saigon, il rendit visite à M. Bégin, gouverneur intérimaire de la Cochinchine, qui lui confia treize jeunes gens appartenant aux meilleures familles du Cambodge. M. Pavie accepta la tâche difficile et délicate de les conduire en France, de leur faire apprendre le français et de les mettre en situation de recevoir une solide instruction.

Ce fut l’honorable M. Le Myre de Vilers, alors à Paris, qui, sur l’invitation du ministre de la marine, se chargea du patronage de cette jeunesse asiatique : il ne pouvait être placé en de meilleures mains. Craignant, pour l’inexpérience de nos protégés, un séjour

  1. Le Révérend Père Montalembert, par M. H. Castonnet des Fosses (Annales de l’extrême Orient et de l’Afrique, mai 1886).