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la plus grande partie des pêcheurs, qui élevait depuis longtemps de vives réclamations contre ces engins. L’est-elle aux intérêts généraux du pays ? C’est un point plus délicat à décider. Mais la tutelle toujours bienveillante qu’exerce la marine sur ses « inscrits » a d’inexorables nécessités. Ce sont de grands enfans. On perdrait son temps à raisonner avec eux, et il n’est pas toujours aisé de vouloir leur bien contre leur gré.

La France a exporté en 1886 pour moins de 14 millions de « sardines à l’huile. » Elle en avait exporté en 1875 pour plus de 25 millions et en 1880 pour 29 millions. Ces chiffres disent assez l’importance de l’industrie qu’alimente la pêche de la sardine. Si ceux qui la font sont dignes de toute sollicitude, on ne saurait négliger non plus les intérêts collectifs représentés dans l’espèce par l’usine, qui achète au marin la matière première rapportée par ses filets et lui donne une plus-value considérable. Or l’industrie de la sardine à l’huile, pour plusieurs raisons, au nombre desquelles il est juste de mettre en première ligne la rareté du poisson dans ces dernières années, traverse en ce moment une crise grave. L’affaire des seines à sardines n’en est qu’un épisode. L’interdiction des « filets perfectionnés, » car on les appelle aussi de ce nom, réclamée par le comité consultatif des pêches, aura-t-elle la vertu que lui croient les pêcheurs ; va-t-elle augmenter leur bien-être ou n’aura-t-e le pas un contre-coup fâcheux sur la grande industrie de notre littoral océanique, celle-là même dont ils vivent ? Ce sont autant de questions qu’un avenir prochain résoudra.

Une commission spécialement convoquée à Brest, l’été dernier, et après elle le comité consultatif des pêches, par la voix de son président, l’honorable M. Gerville-Réache, ont unanimement reconnu que la seule base logique à donner à des mesures administratives concernant la pêche de la sardine était la connaissance scientifique de ce poisson, la connaissance de ses mœurs, de ses déplacements, des causes qui l’éloignent ou le rapprochent de nos rivages. Or sur tout cela nous ne savons rien ou bien peu de chose. On répète ce qu’a dit au siècle dernier Duhamel du Monceau, dans son célèbre Traité des pêches. La science, depuis lui, n’a pas fait un pas. Toutefois, Coste s’était préoccupé de la question. L’importance de la pêche de la sardine sur la côte bretonne n’a pas été étrangère au choix qu’il fit de Concarneau pour y créer le premier laboratoire maritime. C’est là qu’ont été recueillies depuis quelques années les seules notions nouvelles qu’on ait sur une espèce marine dont la pêche n’occupe pas moins de monde que celle de la morue ou du hareng. Mais il reste encore beaucoup à connaître de son histoire. Assurément il eût été désirable que les chambres de commerce du littoral fissent entreprendre à leurs frais une étude suivie de la