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que l’officier jouit de prérogatives par rapport aux uns et aux autres. La hiérarchie réalise l’obéissance des subordonnés envers leurs supérieurs, à tous les degrés, sans exception.

Un officier de mérite, M. Fritz Hoenig, capitaine dans l’infanterie allemande, maintenant retiré du service, a écrit un traité sur l’importance de la discipline pour l’état, l’armée et le peuple : Die Mannszucht in ihrer Bedeutung für Staat, Volk und Heer. Recommandable à bien des titres, cet ouvrage trouve la mesure de la civilisation des peuples dans le degré de discipline de leurs armées, inégal et variable suivant les temps et les lieux. Les lois qui règlent la discipline militaire suivent l’évolution de la civilisation, se perfectionnant à travers les siècles pour arriver à l’état actuel. Point d’armée possible sans discipline, point d’armée capable de remplir sa mission propre. Dans son acception entière, au sens large du mot, la discipline ne se réduit pas à l’obéissance stricte. Son essence, bien comprise, vise à développer d’une manière générale les vertus militaires. Plus ces vertus existent, plus elles sont vivaces et répandues, plus l’armée assez heureuse pour les mettre en pratique aura de succès à la guerre. Obéir avec intelligence, interpréter sagement les ordres reçus, savoir les prévenir au besoin, supporter avec résignation les maux inséparables de la guerre, se soumettre à tous les sacrifices jusqu’à la mort, telles sont les vertus militaires inspirées par une discipline parfaite. A la veille de la catastrophe où la Prusse faillit périr, Scharnhorst, le réorganisateur futur de l’armée allemande, écrivait à son roi : « Nous avons commencé à placer l’art de la guerre au-dessus des vertus militaires ; cela a causé la perte des peuples dans tous les temps. » Qui dit vertu ne dit pas contrainte. L’obéissance imposée par la crainte de la répression ne peut engendrer la vertu. Aussi bien les promoteurs de l’armée allemande ont voulu fonder la discipline sur l’éducation morale, avec la religion pour base, plus que sur les peines inscrites dans le code.

L’éducation militaire commence donc, en Allemagne, avec l’école primaire, obligatoire pour tous les sujets de l’empire, comme le service à l’armée. A l’école primaire, les enfans reçoivent des leçons de gymnastique, préparation aux exercices futurs du soldat. Arrivés sous les drapeaux, les jeunes recrues doivent reprendre ou continuer leur éducation morale, en apprenant le maniement des armes. Comme le service à l’armée suit peu d’années après la sortie de l’école, on considère l’obligation universelle au service militaire comme un inappréciable bienfait pour l’éducation de la nation. Du moins est tel l’avis du maréchal de Moltke, selon qui le peuple allemand jouit, par ce fait, d’un avantage marqué sur tous les autres peuples. Cela étant, les adeptes du militarisme, juges