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une vérification plus attentive de leurs signatures ont amené sur ce point quelque lumière et permis de distinguer avec plus de précision leur personnalité. Après Van der Willigen, qui, dans son excellent livre sur les artistes de Harlem, nous avait le premier révêlé l’existence de ces quatre Ruysdael, Burger essayait de marquer les différences qu’il croyait pouvoir faire dans leur talent[1]. C’est à M. A. Bredius, le savant conservateur du musée néerlandais, que revient l’honneur de nous avoir apporté sur ce point des informations décisives.

Un document cité par Van der Willigen, et qui confirme l’origine de la famille, nous apprend que, le 9 mars 1642, un certain Isaac Van Ruysdael, veuf, natif de Naarden, contractait un nouveau mariage avec une jeune fille de la ville de Harlem, où il s’était établi. Cet Isaac, qui, cette année même, figure sur les listes de la gilde de Saint-Luc, était un fabricant de cadres, et probablement aussi un marchand de tableaux. C’est sans doute à ce titre qu’il avait été admis dans la gilde ; mais M. Bode croit qu’il peignait aussi, et lui attribue, non sans quelque vraisemblance, plusieurs paysages signés des initiales J. V. R.., notamment celui que possède la Pinacothèque de Munich, — une chaumière entourée d’arbres et de buissons à laquelle conduit un chemin frayé dans les dunes, — deux autres au Staedel’s-Institut de Francfort, attribués à R. de Vries, et un au musée de Darmstadt. Ces divers ouvrages, d’une couleur terne et dure, d’une facture lourde, appuyée et assez sommaire, ne mériteraient guère d’être remarqués si le nom de leur auteur probable ne les recommandait à notre attention. Après avoir perdu sa seconde femme, au mois de janvier 1672, Isaac avait été lui-même enterré, le 4 octobre 1677, dans la Nouvelle-Église, à Harlem.

Un frère d’Isaac, Salomon Ruysdael, s’était, comme lui, fixé dans cette ville, et son talent, très goûté de ses contemporains, commençait la réputation de la famille. L’époque précise de sa naissance est restée inconnue ; mais la date de 1610, qu’on lui assignait autrefois, doit évidemment être reculée de plusieurs années et reportée tout au début du XVIIe siècle, vers 1600, car, dès 1623, nous trouvons l’artiste inscrit parmi les membres de la gilde. On ne connaît pas davantage les maîtres de Salomon, et l’on ne peut à ce propos que signaler, d’après de nombreuses analogies, l’influence qu’Esaias Van de Velde, et surtout Van Goyen, ont exercée sur son éducation artistique. Les détails qui nous ont été transmis sur sa vie sont aussi bien rares. Son talent et la sûreté de son caractère lui avaient fait confier à diverses reprises la gestion des

  1. Pour trois d’entre eux du moins, car, ainsi que Van der Willigen, il croyait que trois seulement avaient été peintres.