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Mais Salomon Ruysdael ne devait pas transmettre son talent à son fils. Les tableaux qui portent le monogramme de celui-ci : un J, un V et un R entrelacés[1], nous donnent une assez médiocre idée de cet artiste. Le plus important de ses ouvrages, le grand Paysage boisé du musée de Rotterdam, signé et daté de 1665, offre, comme les précédens, bien des analogies avec ceux de son illustre homonyme ; mais la lourdeur et la sécheresse de l’exécution, la dureté de sa couleur, témoignent nettement de l’infériorité du fils de Salomon. Il paraît du reste qu’à côté de sa profession de peintre, il exerçait aussi le métier de chaussetier. Il fut cependant admis à la gilde en 1864, et Van der Willigen, qui nous apprend qu’il avait cette année même épousé, le 3 février, une jeune fille d’Alkmar, rapporte qu’accusé de séduction par une domestique attachée à son service, il était parvenu à se disculper devant ses coreligionnaires. Nous en aurons fini avec lui en ajoutant qu’après s’être établi à Amsterdam en 1666, peut-être à la suite des ennuis que lui avait occasionnés cette affaire, il devait plus tard revenir à Harlem, où il était enterré, le 16 novembre 1681, dans le cimetière de Sainte-Anna.


II

Malgré les dernières découvertes faites dans les archives néerlandaises, les informations recueillies jusqu’à présent sur le plus grand paysagiste de la Hollande ne nous apportent malheureusement pas encore des lumières bien vives sur sa vie. Cependant, d’après un document dû aux récentes recherches de M. Bredius, et qu’il m’a également communiqué, Jacob Ruysdael, le 9 juin 1661, se déclarait âgé de trente-deux ans, ce qui nous permet de fixer d’une manière certaine sa naissance en 1628 ou 1629, par conséquent trois ou quatre ans après la date généralement adoptée jusqu’ici. Nous savons d’ailleurs qu’il naquit à Harlem du premier mariage d’Isaac, le fabricant de cadres. Avancée ainsi de quelques années, la date de la naissance de Ruysdael non-seulement confirme ce que ses biographes nous disent de sa précocité, mais la font paraître plus extraordinaire encore. Nous avons en effet de lui deux eaux-fortes de 1646, — il avait alors dix-sept ou dix-huit ans, — et deux tableaux de cette même année : l’un à Londres, à Beaumont-House, avec des figures d’Adrien Van Ostade, et l’autre à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, qui possède également deux autres paysages de 1647. Nous relevons de plus le nom du jeune artiste

  1. Quatre au musée de Bordeaux, l’un daté de 1669 ; un à Cassel, un chez M. le conseiller Pfeiffer, à Stuttgart, un autre à Prague, chez M. D. Toman.