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sur les listes de la gilde de Harlem dès 1648. Son oncle, Salomon Ruysdael, que l’on considérait autrefois comme son frère aîné, passe pour avoir été son maître ; mais il a bien pu recevoir également les leçons de son père, si, comme le pense M. Bode, celui-ci a aussi été peintre. Cependant Houbraken, qui nous a exactement renseignés sur la profession d’Isaac Ruysdael, rapporte qu’il fit apprendre la médecine à son fils, et il ajoute même que ce dernier a avait acquis à Amsterdam une grande réputation pour son habileté comme chirurgien. » L’assertion est faite pour étonner, et l’on n’a pu fournir à son appui que la mention donnée par Immerzeel d’un paysage figurant dans le catalogue d’une vente réalisée à Dordrecht en 1720 : « Une cascade peinte par le docteur Jacob Ruysdael. » Sans contester la valeur de ces indications, nous ferons observer qu’elles ne s’accordent guère avec ce que nous savons de la précocité du peintre et de sa fécondité artistique. Ajoutons que le nombre des Jacob Ruysdael vivant ù cette époque, — M. Scheltema en a trouvé jusqu’à cinq habitant Amsterdam vers 1660, — a pu prêter à des erreurs bien naturelles, et que les recherches faites dans les registres de la corporation des médecins ou des chirurgiens de cette ville n’ont pas jusqu’ici confirmé l’indication donnée par Houbraken.

Quoi qu’il en soit, et bien que Ruysdael n’ait que*rarement daté ses tableaux, leur nombre, les dates portées sur quelques-uns d’entre eux, et le caractère même de leur exécution, permettent d’établir une succession d’œuvres à peu près ininterrompue de 1646 à 1669. Ces œuvres, étudiées avec soin, suppléent en quelque manière à la pénurie des renseignemens qui concernent la vie du peintre. Cependant là encore se rencontrent des causes d’incertitude. En effet, si l’on met à part les productions de son extrême jeunesse, qui, ainsi que nous allons le voir, ont une physionomie particulière, l’artiste parvint de bonne heure à la maturité, et, dès qu’il l’eut atteinte, il sut s’y maintenir jusqu’à la fin de sa carrière. On ne remarque donc chez lui ni cette progression de talent, ni ces manières successives qui apparaissent nettement chez d’autres artistes, et, à défaut d’indications positives, il convient de ne se prononcer à ce sujet qu’avec une extrême prudence.

Les premiers paysages que nous connaissions de Ruysdael[1] nous offrent généralement des motifs très simples, pris aux environs de Harlem : un pays plat, sablonneux, à peine couvert par

  1. Celui de Beaumont-House, ceux de l’Ermitage, datés : l’un (n° 1143) de 1646, et deux (n° 1139 et 1148) de 1647 ; un autre au musée d’Anvers (n° 320), et un au musée de Nancy (n° 240), tous deux de 1649, et d’autres encore au musée du Mans (N° 227), au musée de Berlin (n° 899 C), et au musée de Bruxelles (n° 423), qui nous paraissent de cette époque.