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d’optimisme qu’elle avait jusqu’alors conservée, en dépit de tant de causes intérieures et extérieures de préoccupation.

Le 31 mars dernier, la chute du ministère Tirard faisait subir à la Bourse un choc-assez brusque. La surprise était déplaisante, survenant à l’heure critique de la réponse des primes. Le 3 pour 100, qui s’était élevé jusqu’à 82.40, regagnant presque la totalité de son coupon, a reculé du coup à 82 francs. On devait craindre pis. Mais la crise ministérielle a été de courte durée ; le mardi 3, le cabinet Floquet se présentait devant les chambres. La liquidation était en jeu. Il fallait faire bonne contenance pour obliger le découvert à passer une fois de plus sous les fourches caudines du report dérisoire et même du déport. Le 3 pour 100 a été compensé à un cours très satisfaisant, 82.10. L’amortissable, coupon détaché, et le 4 1/2, ont été également très fermes à 85.05 et 107.

Les haussiers comptaient sur l’effet, d’ordinaire calmant, des vacances parlementaires, pour consolider les cours ainsi obtenus, peut-être même pour les améliorer. Mais la décision prise par le sénat, et ensuite par la chambre, de reprendre leurs séances le 19 avril, paralysa ces dispositions optimistes.

Cependant, l’argent était toujours aussi abondant, les disponibilités aussi considérables, les chances du maintien de la paix plus fortes qu’elles n’avaient été depuis le commencement de l’année. A Londres, un heureux chancelier de l’échiquier, M. Goschen, réussissait une opération colossale de conversion. Le nouveau fonds 2 3/4 pour 100 britannique était coté au-dessus du pair. En Allemagne, on parlait bien de relations tendues entre la famille impériale et le chancelier prince de Bismarck ; mais les nouvelles de la santé de l’empereur Frédéric étaient plutôt rassurantes. La question bulgare semblait s’assoupir. Le négus, après avoir fait des propositions de paix au gouvernement italien, retirait son armée épuisée par les privations, et M. Crispi annonçait le rapatriement prochain d’une partie du corps expéditionnaire.

Pour toutes ces raisons, tandis que nos fonds publics étaient tenus, indécis et immobiles, aux environs de leurs cours de compensation, une vive poussée de hausse s’est faite sur presque tous les fonds d’états étrangers. L’Italien s’est avancé jusqu’au-delà de 96, le Russe 1880 a dépassé 80 francs, le Hongrois 79, l’Extérieure 68, ex-coupon, le Portugais 60. Escomptant l’ouverture plus ou moins prochaine des lignes de jonction des voies ferrées dans la péninsule des Balkans, ainsi que la publication de meilleurs résultats pendant le dernier exercice, pour la Société de la régie cointéressée des tabacs, les acheteurs se sont jetés sur les valeurs turques, portant le consolidé à 14.50, la Banque ottomane à 517, les obligations privilégiées à 380, les obligations douanes à. 300. L’Unifiée atteignait 412. Après le