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d’une gaillardise d’honnête homme au XVIe siècle ; » il eût fait observer plus justement qu’on ne saurait fixer les limites de cette gaillardise, et qu’en fait il n’y en avait point ; l’honnête homme, du reste, dans le sens que Sainte-Beuve a voulu dire, n’existait pas encore, et Pasquier n’ambitionnait que d’être appelé prud’homme ; le vrai est que, puisque Pasquier a fait les Ordonnances d’amour, toutes les « gaillardises » du XVIe siècle peuvent être excusées, surtout celles venues de la plume des capitaines. Le Monophile, sa première œuvre, est d’un genre différent ; on y prend du plaisir, quelque suranné qu’en soit le thème : on y trouve comme un écho des cours d’amour du moyen âge et d’aimables propos qui font déjà songer à ceux de l’hôtel de Rambouillet. Si vous entrepreniez de le lire, vous y entendriez le fidèle et dolent Monophile, le volage et entreprenant Polyphile, l’aimable Glaphyre, s’entretenir, en toute compétence et sur l’herbe fleurie, avec la gracieuse Charilée et notre Pasquier lui-même, des points capitaux aussi bien que des plus petits riens de l’amour. Monophile est un curieux personnage, bien seul et bien égaré dans son temps avec sa belle façon d’aimer : c’est un chevalier des anciens tournois revu par Pétrarque et remanié par Pasquier ; Lamartine reprendra et développera le type à l’heure utile. Pensera-t-on que Lamartine arrive ici singulièrement ? Il faut alors citer, en manière de justification, ces six vers des Jeux poétiques ; notre Gaulois ne les eût pas trouvés tout seul, et quand il les fit, ce fut en songeant aux Italiens, rien que pour s’amuser, et comme il eût abattu des quilles :


Que Dieu, jouant en nous ses jeux,
Fasse une âme et un corps de deux,
Et que la mort ne les dépèce ;
Mais bien qu’au jour du jugement
Nous nous trouvions au firmament
Toi et moi d’une même pièce !


L’an 1579 vit éclore la Puce des Grands Jours de Poitiers, et voici dans quelles circonstances solennelles. Étienne Pasquier se trouvait à Poitiers pour les Grands Jours, que présidait Achille de Harlay ; Scévole de Sainte-Marthe le présenta chez Mme des Roches. Cette dame avait de la lecture ; elle était bien disante ; elle lui plut aussitôt, mais moins encore que sa fille, qu’il proclama « être les livres mêmes, » voulant dire que son esprit naturel la pouvait dispenser de rien demander aux livres. Mlle des Roches se piquait d’ailleurs de littérature, rimait, et si bien, « qu’entre les dames elle reluisait à bien écrire, disent ses admirateurs, comme la lune entre