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sion et les mouvemens plébiscitaires sont des procédés scabreux, qui peuvent conduire à tout, excepté vraisemblablement à la monarchie. Ce qui en sera, dans tous les cas, de l’avenir, nul ne peut le dire. Pour le moment, les conservateurs de France n’ont à s’occuper que du présent et du pays. Quel intérêt auraient-ils à se faire les complices des agitations révisionnistes et plébiscitaires, à refuser de se prêter à tout ce qui peut relever les finances, rétablir la paix morale, remettre l’ordre, l’équité, l’autorité dans l’administration française ? Les républicains n’ont qu’à le vouloir, à montrer qu’ils sont prêts à accepter les conditions d’une alliance sérieuse, d’un gouvernement national, supérieur aux passions de parti. Entre les républicains modérés et les conservateurs, il y a un terrain simple, naturel, où ils peuvent se rencontrer ; c’est la constitution même, la constitution sincèrement respectée, sérieusement pratiquée, maintenant ou ramenant tous les pouvoirs dans leurs droits et dans leur rôle. Pour les républicains modérés et les conservateurs, il y a un autre intérêt commun, c’est de préserver les libertés parlementaires, compromises, déconsidérées, par une chambre impuissante, et aujourd’hui si étrangement menacées par un autre ennemi prêt à profiter de tout. On épiloguera tant qu’on voudra, on dira que c’est le problème insoluble, que l’entente est difficile, sinon impossible. En réalité, c’est toute la question aujourd’hui, la question pressante, impérieuse, unique. Elle intéresse la république sans doute, elle intéresse aussi la France, qui est au-dessus de tout.

S’il y a aujourd’hui une impression saisissable, dominante en Europe, c’est ce qu’on pourrait appeler une impression d’attente, le sentiment d’un état d’observation et de réserve dans les affaires générales. Les questions qui ont depuis quelque temps occupé les chancelleries et l’opinion des peuples ne sont ni résolues ni compromises. Les principaux cabinets, entre lesquels se débattent toujours les grandes affaires, gardent un silence probablement calculé et ne se hâtent pas dans leurs résolutions. S’il y a eu dans ces dernières semaines des négociations, elles ont été poursuivies avec une discrétion singulière, et dans tous les cas elles n’ont eu aucun résultat sensible.

Tout paraît provisoirement en suspens, et on pourrait dire que, par une sorte d’accord, l’attention du monde reste fixée sur Berlin, où se déroule ce drame de la maladie d’un souverain, qui passe par de si poignantes alternatives, autour duquel s’agitent visiblement bien des intrigues. Le malheureux empereur Frédéric III, au moment de la mort de son père, a trouvé assez de courage et de force pour arriver à Berlin, pour prendre le gouvernement de l’empire et accomplir les premiers actes du règne, avec une certaine apparence de virilité, de volonté. Bientôt son état s’est de nouveau aggravé au point de paraître un instant désespéré. Puis l’empereur a semblé vaincre encore une fois le mal et revenir à la vie. Les péripéties se succèdent d’un jour à