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III.

Le simple aperçu qui vient d’être présenté dit assez combien de connaissances solides doivent acquérir la plupart des écoliers par une instruction donnée à travers bois, à travers champs, le long d’une rivière. Dès le commencement des études, les collégiens se sont familiarisés avec les principales formes de la végétation et du monde animal ; ils les distinguent par l’aspect, par les couleurs, ils les désignent par les noms vulgaires. Guidés par un maître habile, ils saisissent bientôt des ressemblances et des différences entre les êtres qui les ont occupés; ainsi arrive la conception nette des objets, de leurs qualités, de leur utilité. On ne s’étonnerait pas que le professeur de grammaire lui-même sût tirer avantage dans sa classe d’une telle préparation. Le moment vient d’apprendre les noms scientifiques des espèces, des genres, des familles. Ces noms, les mêmes en usage dans tous les pays du monde où l’on rencontre un adepte de la science, sont en langue latine. Le langage scientifique est donc bien propre à fixer, dans la mémoire des enfans, une foule de mots latins, et à prêter son concours dans l’étude classique de l’idiome qu’on parlait et qu’on écrivait dans la Rome antique. D’autre part, dans l’histoire naturelle, la nomenclature ayant été faite en grande partie de mots grecs, à la connaître chacun sentira le bienfait pour l’étude de la langue de Platon et d’Aristote. En parvenant aux classes supérieures, les jeunes gens qui n’ont jamais pu perdre les notions acquises dans les années précédentes, parce que les mêmes sujets sont toujours demeurés à portée de leur observation, se trouvent heureusement préparés pour s’instruire des traits les plus essentiels de l’organisation des êtres et des grands phénomènes de la vie. C’est par une ascension régulière qu’on s’élève aux vues philosophiques nées de l’observation et de l’expérience, et s’appuyant sur des faits dont la réalité est indiscutable. La dernière année d’étude est arrivée. Les jeunes gens ont de seize à dix-huit ans. Cette année appelle, selon l’expression scolaire, le couronnement des études ; tous les élèves faibles ont disparu : ils n’avaient rien à couronner. On est donc en présence d’une élite, et quelle influence doit exercer, sur une jeunesse intelligente, une année d’application sur des sujets d’ordre élevé, si l’enseignement est à la hauteur de sa mission ! Un homme éclairé ayant passé sa vie au milieu d’un peuple de sens pratique, venant à tomber tout à coup dans notre société, éprouverait peut-être une surprise. Ne se serait-il pas imaginé que la dernière année d’études classiques porte sur des matières où l’esprit va se former aux méthodes capables