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des corps de bâtimens de cinq ou six étages, desservis par plusieurs escaliers. De larges baies sans fenêtres laissent arriver l’air et la lumière sur les paliers, qui, le soir, sont éclairés au gaz jusqu’à onze heures. Les logemens sont indépendans, mais ils ouvrent sur un corridor commun. Il y a un water-closet pour deux logemens et une buanderie par étage.

L’eau est distribuée avec abondance dans tout l’édifice, et des bains gratuits existent dans chaque groupe. La propreté y est entretenue avec soin, grâce à la surveillance qu’exerce le surintendant, sorte de gérant craint et respecté des locataires. La tenue de ces maisons est excellente. Les habitans se surveillent réciproquement et provoquent l’expulsion de ceux dont la présence devient une source de désordre ou de scandale.

Aucun locataire n’est admis sans que tous les membres de la famille aient été vaccinés. Dès qu’un cas de maladie se déclare, le médecin du district est appelé et se prononce sur la possibilité de traiter le patient à domicile. Toute maladie contagieuse entraîne la nécessité du transport à l’hôpital. Ces mesures ont porté leurs fruits. La mortalité est moindre dans ces groupes de maisons que dans le reste de la ville. La population qui les habite paraît heureuse. Les enfans y ont un air de santé qui contraste avec les figures maladives de ceux des quartiers voisins.

La Compagnie des logemens perfectionnés (the improved industrial dwellings Company), qui s’est formée en 1863, sous la direction de sir Sidney Waterlow, donne des logemens plus confortables et plus vastes, mais elle les fait payer plus cher. Il en est de même des autres sociétés qui se sont formées sur le modèle des précédentes.

On ne peut qu’applaudir aux efforts de ces associations et se féliciter du résultat qu’elles ont obtenu; mais on ne. peut pas s’empêcher de faire cette réflexion attristante, que c’est une goutte d’eau jetée sur un incendie. On est parvenu à loger d’une façon convenable 146,809 personnes, dans une ville qui a près de 4 millions d’habitans, qui constitue le plus grand centre industriel du globe, et dont k population s’accroît de 70,000 âmes par an. Toutes les sociétés réunies n’arrivant à loger que le dixième de la population pauvre, que deviendra le reste, en attendant que la donation Peabody ait réalisé, dans quatre-vingts ans, ses magnifiques promesses?

Il n’en est pas moins vrai que c’est l’Angleterre qui a été l’initiatrice des autres nations dans la question des logemens ouvriers, comme dans la plupart des grands problèmes économiques, et qu’elle leur a donné l’exemple.

La Belgique, bien qu’elle soit aussi intéressée que l’Angleterre à la solution des problèmes industriels, a mis bien longtemps à la