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M. André Kœchlin, de Mulhouse. Il avait fait bâtir, autour de son usine, trente-six petites maisons, contenant deux chambres, une cuisine, un grenier, une cave et un jardin. Le prix du loyer était très modique, mais le locataire prenait l’engagement de cultiver lui-même son jardin, d’envoyer ses enfans à l’école et de faire chaque semaine un dépôt à la caisse d’épargne. Cette organisation ne devait recevoir tout son développement que seize ans plus tard. C’est en 1851 que la Société mulhousienne des cités ouvrières s’est fondée, sous l’inspiration de M. Jean Dollfus.

Le but de cette association était de fournir, aux ouvriers de ce grand centre industriel, des habitations propres et riantes, avec un petit jardin, et de leur donner le moyen d’en devenir propriétaires, en payant un prix de loyer dans lequel l’amortissement se trouvait compris, sans dépasser pour cela le taux des locations ordinaires. Dans cette intention, la société forma un capital de 355,000 francs, ne devant rapporter que 4 pour 100 d’intérêt. L’état lui accorda une subvention de 300,000 francs, destinée à solder les travaux d’utilité générale : trottoirs, alimentation d’eau, égouts, clôtures, lavoirs, plantations, etc.. Elle commença ses travaux à la fin de 1853, et, dès la première année, elle construisit 100 maisons, qui coûtèrent 256,400 francs, et dont 49 trouvèrent immédiatement des acquéreurs. Leur nombre a toujours été croissant, et, à la fin de l’année 1881, lorsque M. Jean Dollfus présenta ses comptes à l’assemblée générale de la Société mulhousienne, elle avait construit 996 maisons, dont 672 étaient entièrement payées. Les versemens faits par les ouvriers acheteurs s’élevaient à 3,845,755 fr., dont les deux tiers environ en compte du prix de leurs maisons et le reste représentant les frais du contrat, intérêts, impositions, etc. Dans cette création, l’épargne de la population de Mulhouse entrait pour près de 4 millions.

L’exemple de cette ville a été suivi. Presque partout où des sociétés analogues se sont formées, elles ont eu pour fondateurs des Alsaciens, comme M. Jules Siegfried, qui a créé celles du Havre et de Bolbec. D’un autre côté, les grandes compagnies industrielles ont voulu procurer à leurs ouvriers des avantages semblables, et leur ont construit des habitations salubres autour de leurs usines. On peut citer, dans le nombre : le Creuzot, qui loue à ses ouvriers une maison convenable pour 100 francs par an, ce qui ne constitue qu’une rémunération bien insuffisante du capital engagé ; la compagnie d’Anzin, celles de Commentry, de Blanzy, de Réaucourt ; l’usine de M. Ménier, à Noisiel, dont les habitations ouvrières sont des modèles à imiter. Ces dernières coûtent 5,000 à 6,000 francs; mais l’ouvrier ne peut pas en devenir acquéreur, parce que le fondateur ne veut y loger que ses employés. En 1875, dans la région du Nord seulement,