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n’avait dans son armée que douze compagnies du roi : « Je vous ay escrit les exploits qui se sont fets, qui ne sont pas petits, et qui ont mis un tel effroi par toute la Lombardie que tout fuit et abandonne. J’y ay assisté comme personne privée. » (13 septembre.) On avait peur de lui; n’avait-il pas osé parler de reconquérir le duché de Milan pour la France, dans ses lettres à Villeroy, et de reprendre le grand dessein d’Henri IV? Il promettait au roi de France l’appui des Vénitiens, montrait les Pays-Bas, les princes protestans, le roi de la Grande-Bretagne, prêts à l’aider ouvertement ou tacitement. On était sourd à ce langage et on le pressait de revenir. Il partit de Turin le 15 octobre et s’en revint à Grenoble. Il avait sauvé le duc de Savoie d’une ruine complète, mais il n’avait pu exécuter les entreprises qu’il avait méditées pour la gloire de la France et pour sa propre gloire.

Le roi de France demandait avec insistance le licenciement des troupes du duc de Savoie, et Lesdiguières était contraint, pour l’y amener, de lui promettre, en cas où il serait attaqué, les secours de la France, sans être bien persuadé que ces promesses seraient tenues. Il se plaint sans cesse de la mauvaise foi des Espagnols, et nous le voyons à ce moment prendre avec passion le parti du duc, insister pour que Verceil lui soit remis. Cette ville ne fut rendue par les Espagnols qu’au milieu de l’année 1618. Lesdiguières travailla activement à reprendre les desseins d’Henri IV sur la maison de Savoie; il la montrait placée entre la France et l’Espagne, et en position de rendre à l’une ou à l’autre les plus grands services. Il fut l’un des principaux instrumens d’un mariage qui se fit (le 15 janvier 1619) entre le prince de Piémont et Madame Chrétienne, sœur de Louis XIII. Quand la princesse retourna en Piémont avec Victor-Amédée, son mari, elle fut reçue avec de grands honneurs par le maréchal, qui l’accompagna jusqu’à Chambéry.


III.

Il faut retourner un peu en arrière et parler des premiers mouvemens des églises réformées. Depuis longtemps, Lesdiguières était en correspondance avec Duplessis-Mornay au sujet des affaires du Béarn; il conseillait de « fuir la voix extrême » et prêchait toujours la patience ; sa fortune avait grandi dans les mouvemens des guerres civiles, mais son humeur était naturellement despotique. Quand la reine mère, en 1619, s’était retirée à Angoulême avec l’aide du duc d’Épernon, elle avait tenté d’ébranler sa fidélité et de l’attacher à son parti; il avait répondu de manière à ne lui laisser aucun espoir, et il disait à d’Épernon : « Quant à moy, qui n’ay jamais eu d’autre but que son service (celui de la reine mère), ny de plus proches