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leur parole. Mais quand le roi arriva, il se logea dans le château et en donna la garde au comte de Sault; et, lorsqu’il fut parti, on ne permit pas à Duplessis d’y rentrer. Lesdiguières se plaignit inutilement à Luynes de ce manque de parole : on promit à Duplessis de lui restituer son gouvernement au bout de trois mois, mais cette promesse ne fut pas tenue ; à Niort, Lesdiguières apprit la nouvelle de la mort de sa petite-fille, la comtesse de Sault[1] ; il en éprouva une grande douleur, toute la cour alla le visiter, et le roi lui-même alla lui offrir des consolations. Lesdiguières dut prendre le commandement de l’armée au siège de Saint-Jean-d’Angély ; mais ce commandement était presque nominal ; le père Arnoux, confesseur du roi, dit à un prélat qui vint lui rendre visite : « Nous le tenons, le renard ; il ne nous échappera pas. » Lesdiguières assista à la prise de Sainte-Foy. de Bergerac, de Clérac. Quand il fut question de mettre le siège devant Montauban, il s’excusa d’en dire son sentiment; mais, le roi le pressant, il conseilla de bloquer simplement la ville, montrant la place très forte, bien munie, la saison avancée, et craignant qu’une attaque ouverte ne pût réussir. Luynes fit résoudre le siège, et Lesdiguières demanda la permission de se retirer, pour prendre un peu de repos, dans sa vicomte de Villemur, entre Toulouse et Montauban. Quand le siège fut résolu, il retourna au camp devant Montauban ; mais, voyant que le nouveau connétable donnait tous les ordres et ne voulait point de conseil dans le commandement, il prit simplement le soin d’un quartier avec le prince de Joinville et le maréchal de Saint-Géran.

Pendant son absence, les protestans du Dauphiné avaient pris les armes ; l’assemblée de La Rochelle leur avait donné comme lieutenant-général Montbrun : les chefs dauphinois représentaient Lesdiguières comme prisonnier et prétendaient agir avec son assentiment. Au mois de novembre, il était encore devant Montauban; il jouissait secrètement de la déconvenue de Luynes, il critiquait les opérations du siège, qui dut enfin être levé. Un moment, Luynes songea à le faire arrêter ; il lui reprochait d’encourager les rebelles dauphinois, il le savait en correspondance avec le duc de Savoie ; mais, sur le conseil de Deageant, il le laissa retourner en Dauphiné. A peine arrivé, le maréchal promit une amnistie complète à ceux qui déposeraient les armes et tous les mouvemens de la province furent promptement apaisés.

Lesdiguières avait conçu l’espérance de dicter les conditions de

  1. Catherine de Bonne était la tante de son mari ; le comte de Sault était fils de Charles de Créqui et de Madeleine de Bonne (fille de Lesdiguières et de Claudine de Béranger). Il restait encore au maréchal une fille.