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conseille au roi de chercher ailleurs. Il avait, en fait, pris son parti et craignait seulement de montrer trop de hâte ; il était informé de tout ce qui se passait en cour ; il savait qu’on avait résolu le siège de Montpellier, et que les conseillers violens du roi disaient qu’il fallait s’assurer à tout prix de Lesdiguières, ou bien aller le chercher en Dauphiné et s’emparer de sa personne, ou bien le faire connétable. On ne négociait plus que pour avoir l’abjuration. On envoya à Lesdiguières Bullion, conseiller d’état, qui le trouva à Grenoble, mettant sur pied de nouvelles troupes ; le maréchal de Créqui arriva ensuite avec les lettres de la charge de connétable et la commission de lui donner le collier de l’ordre des chevaliers du Saint-Esprit. L’archevêque d’Embrun se rendit aussi à Grenoble : enfin Lesdiguières reçut le parlement, et le président, parlant au duc, lui dit : « Monsieur, je vous ai déjà fait entendre plusieurs fois comme le roy vous veux faire connaître, pourveu que vous soyez catholique : vous m’avez promis de me faire sçavoir votre intention; c’est ce que j’attends à cette heure, en présence de messieurs du parlement, qui ont été priés d’être témoins de votre réponse. » Elle fut ainsi : « Monsieur, j’ai toujours été très obéissant aux commandemens du roi ; je suis catholique et en estat de faire tout ce qui luy plaist ; » et se tournant vers la cour de parlement et vers la noblesse qui l’environnait: « Messieurs, dit-il, allons à la messe[1]. » Il se rendit en grande procession à l’église, où l’attendait l’archevêque ; le lendemain, le connétable fut fait chevalier du Saint-Esprit et reçut la sainte communion. Il se rendit ensuite à Vizille et fit consacrer au culte catholique un temple qu’il avait fait bâtir autrefois pour le culte réformé,

Henri de Rohan, qui était à ce moment en correspondance avec Lesdiguières, lui écrivit de Montpellier qu’il était disposé à le rencontrer dans une nouvelle entrevue, et promit d’y apporter un esprit très pacifique. Il ajoutait : « j’ay aussi appris, Monsieur, que le roy vous avait honoré de la charge de conestable de France, dont je vous félicite, bien fasché néantmoins que vos longs et grands services ne vous l’ayent peu acquérir sans gehenner vostre conscience[2]. » Ces simples mots venant d’un tel homme émurent sans doute le vieux connétable plus que les doléances des ministres et les factums écrits à l’occasion de son abjuration.

Louis XIII s’approcha de Lunel, quand il résolut de faire le siège de Montpellier, et Lesdiguières alla le trouver à La Verune, entre Lunel et Nîmes, où il prêta le serment de sa charge. Il espérait toujours

  1. Vidal, p. 384.
  2. Bibliothèque de l’Institut, manuscrit Godefroy, vol. 269, p. 97, copie.