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mariage de la reine avec un Bourbon, son cousin, le duc de Cadix, — du duc de Montpensier avec l’infante. C’était fait et accompli ! L’ambassadeur anglais, sir Henry Bulwer, n’y avait rien vu. Lord Palmerston lui-même, déconcerté par ce coup de théâtre, répondait, ne pouvant mieux faire, par du dépit et des violences, accusant le roi de duplicité, déclamant contre l’ambition française, remplissant l’Europe de ses protestations, essayant surtout d’émouvoir l’Autriche.

Le chancelier, pour sa part, après l’insuccès de sa combinaison, avait suivi l’imbroglio espagnol en observateur un peu sceptique, décidé à ne pas se laisser engager, et à la nouvelle de l’événement de Madrid, la première confidente de ses impressions, la princesse de Metternich, écrivait dans son Journal : « Le mariage de la reine d’Espagne avec le duc de Cadix et celui de sa sœur l’infante Louise avec le duc de Montpensier, mariages que le roi Louis-Philippe a négociés très habilement, ont jeté l’Angleterre, et particulièrement lord Palmerston, qui se voit joué, dans une irritation, qui fait grand tort à cette célèbre « entente cordiale » dont on était si fier. Gordon, — l’ambassadeur anglais à Vienne, — s’est donné beaucoup de peine pour nous décider à agir dans cette affaire, que l’Angleterre voudrait bien exploiter aux dépens de la France ; mais Clément, s’appuyant sur la vérité et sur les principes inviolables qui nous guident, a déclaré que l’Autriche resterait complètement indifférente dans la question du mariage des deux infantes, — c’est ainsi que nous les appelons. Les explosions de fureur de lord Palmerston et de ses journaux, qui invoquent toujours le traité d’Utrecht, sont à nos yeux parfaitement inoffensives et dénuées de tout fondement légal. Le duc de Montpensier peut devenir le mari de l’infante et même de la reine, sans que le traité d’Utrecht soit violé… L’Autriche ne peut donc nullement se mêler d’une affaire qui, à ses yeux, n’a aucune importance… » C’est à peu près la position que prenait le chancelier.

Retranché dans son dogme immuable de légitimité, il voyait dans les mariages espagnols tels qu’ils s’accomplissaient, non plus une question de principe, mais un démêlé d’ambitions rivales, une querelle entre deux puissances révolutionnaires qui se disputaient l’influence à Madrid. Il affectait une certaine neutralité impartiale, un certain ton dégagé : il s’intéressait peu aux doléances de lord Palmerston, à ses protestations, à ses évocations assez tardives du traité d’Utrecht. « Lord Palmerston, disait-il, voudrait nous engager dans une discussion dont nous ne voulons pas… » Il se gardait aussi de paraître prêter les mains à la France ; il s’étudiait, au contraire, à ne pas trop rassurer le roi et M. Guizot, à leur faire sentir « qu’on ne jouait pas de petites niches à un grand pays avec