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Au contraire, Voyez comme l’accentuation de cette résolution, à science égale, donne à chaque œuvre toute sa saveur et toute sa portée. C’est là, nous l’avouons, le système classique, le vieux jeu, comme on dit ; mais ce vieux jeu reposant sur l’expérience et ayant fait ses preuves depuis Hobbema jusqu’à Millet, il est probable que c’est le bon. Je n’en veux pour preuve que la bonne tenue gardée, même à leur déclin, même en leur vieillesse, au milieu de nos impressionnistes affolés, par les sérieux travailleurs de l’ancienne génération. Sans parler de MM. Lavieille, Curzon, Benouville, Bellel, Guillon, dont les œuvres, doucement et sincèrement pénétrantes dans leur harmonie savante et discrète, prouvent toujours la force de l’enseignement classique, n’est-il pas consolant de retrouver sur la brèche des vétérans, longtemps oubliés ou méprisés, comme MM. Cabat et Paul Flandrin, dont les petites études peuvent encore en apprendre à plus d’un jeune, soit pour la ferme chaleur des colorations, soit pour la belle distribution de la lumière ?

Ce regret une fois exprimé que les paysagistes actuels ne joignent pas assez en général la réflexion à l’observation, qu’ils exagèrent trop souvent les dimensions de leurs cadres, et qu’ils ne comprennent pas toujours la nécessité d’une concentration et d’une simplification, il est juste de reconnaître qu’ils étudient le monde sous toutes ses latitudes, en toutes saisons, dans tous ses accidens, avec une curiosité et une sincérité qui ne sont pas toujours infructueuses. Il y en a vraiment au Palais pour tous les goûts. Ceux qui aiment les verdures grasses, la prairie calme et paisible, avec une population de bons animaux, une chaleur douce et bienfaisante, un agréable repos d’été sous un ciel uni, n’ont qu’à suivre sur les Bords de l’Isole M. Bernier, qui, en réduisant ses cadres, donne plus de force à sa sensation. Ceux qui ne détestent point des spectacles plus mouvementés, le pressentiment, la menace, l’explosion ou l’apaisement de l’orage, n’ont qu’à suivre M. Guillemet et M. Yon dans la Plaine de Cayeux, M. Delpy sur les bords de la Seine, ou bien à gravir, avec M. Jean Desbrosses, l’un des paysagistes les plus intrépides, les plus audacieux, les plus francs de notre temps, les pentes du Plateau de Badaillac, dans le Cantal. Les amoureux du mélancolique automne et du triste hiver s’arrêteront avec plaisir Sur les bords de la Sauldre avec M. Lemarié des Landelles, en Franche-Comté avec M. Boudot, dans la Vallée des Ardoisières avec M. Joubert, à Vauharlin, un soir d’hiver, avec M. Binet. Cette dernière peinture, très grave, très simple, est d’une puissance d’impression assez vive. De très beaux couchers de soleil sont dus à M. Rapin, dont le talent délicat et poétique s’affirme avec plus de fermeté qu’autrefois dans son Soir à Druillat, et à M. Japy, qui