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S’agit-il de la puissance parlementaire, la constitution témoigne d’une prudence extrême poussée jusqu’à la méfiance. Elle marque les bornes dans lesquelles le parlement devra se tenir enfermé. Elle énumère un à un les pouvoirs qui lui seront dévolus, au nombre de dix-huit. Immédiatement après, suivent les prohibitions, classées sous sept chefs distincts.

Il est vrai que certaine clause attribue au congrès des pouvoirs généraux ou implicites (incident powers), destinés à lui permettre d’exercer pleinement ses pouvoirs définis (enumerated powers). Les frontières du domaine législatif manquent donc aussi de fixité. Mais l’intention d’imposer des limites dans la mesure du possible reste manifeste.

Contre l’exécutif, aucune précaution de ce genre ne semble prise ; la formule d’investiture est vague et générale. L’opinion avérée des constituans n’autorise guère à supposer qu’ils aient simplement reculé devant la difficulté d’une définition. Encore moins doit-on les accuser d’omission ou de négligence sur ce grave sujet, qui donna lieu aux discussions les plus approfondies. Sans avoir été préméditées peut-être, comme l’affirme Upshur, les lacunes de la rédaction ne furent pas involontaires. Les fédéralistes de Philadelphie étaient convaincus de la nécessité d’organiser solidement la puissance présidentielle ; ils évitèrent de l’emprisonner dans un texte étroit, lui laissant ainsi les moyens de s’étendre, suivant les besoins et les circonstances, à travers les mailles élargies du réseau constitutionnel.

Deux conditions principales caractérisent en Amérique la situation du chef de l’état : l’unité du pouvoir, dont la responsabilité personnelle n’est endossée par aucun cabinet parlementaire, et le droit de veto sur les actes législatifs.

Le président possède seul l’autorité exécutive. On sait que le vice-président ne joue pas de rôle actif. La constitution l’appelle simplement à présider d’office le sénat, sans même lui accorder le droit de vote, sauf pour départager l’assemblée. Il n’assiste pas le premier magistrat de la république dans les devoirs de sa charge ; il le remplace éventuellement en cas de mort ou d’incapacité légale ; le titre et les pouvoirs présidentiels lui sont alors dévolus jusqu’à la fin du terme quadriennal commencé. Le vice-président n’est donc qu’une sorte de réserve gouvernementale, d’héritier présomptif républicain, destiné à sauvegarder le pays des périls d’une élection extraordinaire ou de la vacance du pouvoir.

Quant aux secrétaires d’état (ministres), ils ne forment pas de cabinet dans le sens parlementaire du mot, et n’entrent pas en communication directe avec les chambres dont ils ne peuvent faire partie. Tout